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plus, et les feuilles s’agrandissent par rapport à celles des formes correspondantes de l’âge précédent. Les végétaux que nous avons encore sous les yeux, entre autres les bouleaux, les charmes, les érables, favorisés par les circonstances nouvelles, deviennent partout moins rares. L’étude du sol démontre que les lacs vont en agrandissant, les dépôts plus puissans indiquent des eaux plus abondantes, tous les signes d’un climat plus humide se manifestent ; enfin on commence à constater un phénomène très curieux : plusieurs des espèces de ce temps sont déjà tellement voisines d’espèces actuelles d’Europe ou d’Amérique qu’on ne saurait marquer entre elles de différences sensibles.

Cet état de choses, si favorable à un développement harmonieux des deux règnes, va s’accentuant presque jusqu’à la fin de la période tertiaire. Presque toutes les vallées qui tracent le cours de nos principales rivières étaient alors des lacs. L’Europe jouissait d’un climat essentiellement humide et tempéré. C’est l’avant-dernière période de l’âge tertiaire, désignée en géologie sous le nom de période miocène, dont M. Heer, dans ses Recherches sur le climat et la végétation du pays tertiaire, a entrepris de tracer la statistique tout entière. La localité la plus riche en renseignemens est celle d’OEningen, près de Schaffouse, où, sans compter les poissons et les insectes, on a recueilli 500 espèces de plantes. Le nombre total de celles que l’on connaît dans le terrain miocène de Suisse s’élève à plus de 900. Après avoir retranché de ce nombre les organismes inférieurs, comme les algues et les champignons, on a encore environ 700 espèces, parmi lesquelles M. Heer remarque qu’il se trouve 533 arbres ou arbustes et seulement 164 plantes herbacées. Dans la Suisse de nos jours, la proportion est renversée, puisque le nombre des plantes ligneuses n’est plus que le 1/8 de celui des herbes. Il faut donc supposer ou que le nombre total des espèces tertiaires atteignait un chiffre énorme et que. la plus grande partie nous reste-inconnue, ou que, contrairement à ce qui existe aujourd’hui, les plantes ligneuses, étaient alors plus nombreuses que les herbacées. Cette seconde hypothèse est la plus vraisemblable, car c’est ce qui arrive à mesure que l’on s’avance vers l’équateur. Il est naturel d’admettre qu’il en était de même au sein d’une nature encore si rapprochée de celle des pays tropicaux. Cependant M. Heer cite des preuves ingénieuses de la présence de groupes herbacés dont on était loin avant lui de soupçonner l’existence dans ce terrain. Il a pu la déduire des habitudes bien connues de certains insectes dont il retrouve les traces dans les couches d’OEningen.

La végétation des temps miocènes présentait donc un caractère évident de richesse et de fécondité, quoique le climat se fût déjà un peu refroidi. M. Heer a été jusqu’à préciser les élémens de ce