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plantes analogues qui croissent encore dans la Louisiane et la Californie, que celles-ci semblent en être les descendans à peine modifiés. M. Heer, se basant, comme il l’avait fait pour la Suisse, sur cette étroite affinité, a pu définir presque à coup sûr les conditions climatériques qui résultent des aptitudes présumées des anciennes espèces. C’est ainsi que la température des régions polaires d’alors a été évaluée à un minimum de, 9 degrés centigrades en moyenne. Elle se trouve vis-à-vis de la moyenne d’aujourd’hui, qui est inférieure à zéro, dans le même rapport que l’ancienne température d’OEningen (18° 1/2 cent.) vis-à-vis de celle de Zurich, qui. est de 8° 9 centigrades. Il résulte de cette belle série de déductions que, vers le milieu des temps tertiaires, la température allait diminuant de l’équateur au pôle suivant la même loi proportionnelle que de nos jours, mais qu’elle était partout supérieure de 8 à 9 degrés à ce qu’elle est maintenant aux mêmes lieux. Ce dernier chiffre marque la quantité exacte de chaleur que notre hémisphère a perdue.

Sous l’empire de conditions aussi éminemment favorables, le peuple des mammifères n’avait pu que croître et atteindre enfin un développement correspondant à celui de l’autre règne. C’est ce que prouve la longue et curieuse liste des animaux de cette époque. Les mammifères, que nous avons laissés dans un état d’évolution imparfaite, nous les retrouvons plus grands, plus forts, plus divers. Beaucoup de leurs genres existent encore ou tendent à se rapprocher des nôtres, comme les mastodontes, si voisins déjà des éléphans. D’autres comblent par leur présence des lacunes de notre faune contemporaine, ou se révèlent à nous comme les ancêtres directs des genres qui leur ont succédé. C’est toujours la même marche, et, dans beaucoup de ces types, les signes d’une adaptation de plus en plus exclusive concordent avec la modification progressive des organes. Cette ambiguïté, que nous faisions ressortir à propos des animaux antérieurs, existe encore chez ceux dont il est question maintenant ; mais elle n’est plus dans l’ensemble des caractères constitutifs de l’ordre et de la famille : elle se retrouve seulement dans les tribus et les genres, dont les limites sont souvent flottantes et malaisées à fixer aussi bien que celles des espèces elles-mêmes. Nulle part cette tendance ne se manifeste avec plus d’éclat que dans la faune célèbre de Pikermi, que M. Gaudry a ressuscitée après en avoir patiemment arraché les débris aux flancs du Pentélique. C’est de ceux de l’Afrique que les animaux de Pikermi se rapprochent le plus ; mais, malgré les lacunes inévitables qu’on est forcé de supposer, la faune de Pikermi est incomparablement supérieure à celle de l’Afrique : elle renferme plus