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monarchies, excepté dans la nôtre. Le résultat de cette politique est écrit pour notre instruction, il est écrit dans la grande explosion de cette passion populaire qui, au moment de ses colères, a renversé les trônes les plus fiers, renversé les plus vieilles familles royales, ruiné les plus nobles maisons, désolé les plus belles cités. Si les conseils de notre grand général avaient été suivis, si les justes demandes du peuple avaient été repoussées, cette même leçon eût été écrite dans les annales de notre pays, et nous n’aurions pu échapper aux conséquences de cette terrible catastrophe, dans laquelle l’ignorance et l’égoïsme des gouvernans enveloppèrent, il y a peu d’années, une grande partie du monde civilisé. »


Ainsi diminution constante de la pratique de la guerre et décadence visible des classes militaires, voilà le fait qui se présente à l’observation ; est-ce l’effet d’un progrès des peuples vers la vertu ? est-ce un progrès tout intellectuel ? Nous retrouvons ici le même raisonnement dont l’auteur se servait pour montrer en principe le peu d’action des lois morales sur le progrès. Rien de nouveau n’a été dit touchant l’immoralité de la guerre ; a-t-on fait quelque récente découverte sur les maux qu’elle engendre et sur ce qu’elle offre d’odieux ? Que les guerres défensives soient justes, que les guerres offensives ne le soient pas, le moyen âge le savait et le disait aussi bien que nous, et cependant au moyen âge il y avait de nouvelles guerres toutes les semaines. La conduite des hommes a donc changé sans un changement de principes ; peut-on attribuer des effets variables à une loi morale invariable ? C’est par conséquent une induction légitime, nécessaire, que le progrès moral dont nous parlons a été produit par des causes intellectuelles.

Dire que la poudre à canon a été la première cause qui ait rendu les guerres plus rares semble une proposition qui a droit d’étonner ; cependant l’invention de la poudre est le premier des faits intellectuels qui ont amené ce résultat. Quand le premier coup de canon eut retenti, il se fit un grand changement dans la pratique de la guerre. Alors commencèrent à disparaître ces armées indisciplinées, mal préparées, mal équipées, qui se composaient non d’une classe d’hommes, mais de tous les hommes pouvant porter une arme. Ce coup de canon qui ébranla le premier le sol d’un champ de bataille mit en fuite la tourbe de ces demi-soldats avec lesquels on faisait la guerre. Il fallut désormais des arquebuses, des mousquets, des canons, des bombes, des mortiers, des grenades. Il fallut des hommes à part pour manœuvrer les nouveaux engins ; il fallut beaucoup d’armes pour équiper une armée, de longs exercices pour l’aguerrir ; il fallut des troupes permanentes. Jusque-là tout homme qui n’était pas d’église était plus ou moins soldat, dès lors il y eut