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idiome aryen, un idiome touranien, se parlent encore à la fois dans ces régions que tant de bouleversemens ont désolées, tant de vainqueurs parcourues.


III

Ces révolutions, ces conquêtes, datent d’une bien haute antiquité. Avant la lecture des textes cunéiformes, nous ne connaissions des premiers chapitres de l’histoire d’Assyrie que quelques pages contenues dans les auteurs grecs, latins et orientaux. Aujourd’hui non-seulement nous pouvons y beaucoup ajouter, mais nous avons les moyens de contrôler Bérose en le complétant, comme les monumens égyptiens nous permettent de compléter et de contrôler Manéthon. Une même fatalité nous a privés des ouvrages de l’un et de l’autre écrivain, qui appartiennent à l’époque des Lagides, et quelques fragmens des annales de la Syrie et de l’Égypte sont seuls parvenus jusqu’à nous. La chronologie des deux empires se reconstruit par degrés à l’aide des monumens, du moins pour les temps historiques, car au-delà s’étend pour les Assyriens aussi bien que pour les égyptiens une période fabuleuse que nous ne pouvons nous flatter d’éclaircir. L’imagination s’y était donné libre carrière en fait de supputations d’années, et les deux peuples s’attribuaient une antiquité fort exagérée. Sans remonter à beaucoup près aussi haut que le veut la légende, la civilisation assyrienne nous reporte encore à une époque bien reculée. Le chamite Nemrod, à la mémoire duquel s’en rattache l’origine, n’apparaissait plus au rédacteur de la table généalogique de la Genèse que dans un nébuleux lointain et avec un caractère purement fabuleux. D’après la Bible, Nemrod régna sur Babylone, Erech, Accad et Chalanne. Les villes de Ninive, de Calach (Nimroud) et de Resen (Larissa de Xénophon) ont été fondées par lui ; mais, à la distance où les Hébreux étaient déjà de la dynastie couschite, les souvenirs se confondaient, les anachronismes étaient faciles. Ces diverses cités ne datent probablement pas de la même époque. Resen paraît avoir été le siège de la puissance couschite avant Ninive, dont le nom, tout assyrien et qui signifie demeure, semble indiquer qu’elle ne fut fondée qu’après l’arrivée des Sémites. Plus tard, des désignations géographiques furent prises pour des noms de souverains, ou servirent, ainsi que cela est arrivé en Grèce, à composer ceux des prétendus fondateurs de ces villes. Du mot Ninive on tira le nom d’un prétendu Ninus, dont l’histoire se confondit peut-être avec celle de Ninippall-oussin, qu’une inscription de Kalah-Cherghat désigne comme l’ancêtre de Téglath-Phalasar Ier et le créateur de l’empire. Du mot Babylone fut tiré le nom du roi Bélus. On peut voir dans l’historien