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à l’aise pour parler de ces choses, car elles se sont passées sous nos yeux, et dès l’origine nous avons professé que, puisqu’il fallait un emprunt à l’empereur Maximilien, le meilleur système était de faire un emprunt garanti par la France. Dans ce cas, l’entreprise eût pu avorter, elle aurait été mauvaise et ruineuse ; mais elle n’aurait du moins trompé personne ni fait de victimes dans les détenteurs de l’épargne française. Au lieu de faire une affaire sérieuse, on fit un roman ; on éleva un château de cartes avec des pétitions de principes. On craignit peut-être d’effrayer le pays en lui laissant voir la nécessité de sacrifices d’argent plus énormes encore que ceux que le Mexique lui avait déjà coûtés. On crut qu’on pourrait attirer les capitaux par une spéculation spontanée. On supposa donc, dès le traité de Miramar, que l’empire de Maximilien était fondé, qu’il y avait des finances mexicaines, que ces finances pouvaient avoir leur propre crédit ; on alla plus loin : pour diminuer en apparence les charges que l’expédition du Mexique imposait à notre trésor, on eut l’illusion de stipuler des remboursemens de frais de guerre qui nous seraient fournis par Maximilien. Tout cet échafaudage artificiel était construit avant que l’archiduc et sa femme eussent quitté l’Europe. On avait déjà fait appel à l’épargne française. Le trésor français n’ayant pu réaliser la portion de l’emprunt qu’il avait prélevée en remboursement des frais de guerre, et les premières ressources de Maximilien ayant été épuisées, on ne tarda point à préparer le second emprunt en obligations-loteries. Cette fois, en annonçant l’opération à la chambre, le gouvernement déclara que notre armée ne quitterait pas le Mexique avant que l’existence de l’empire ne fût assurée. Un homme considéré, M. de Germiny, ancien ministre, ancien gouverneur de la Banque et sénateur, avait été placé par le gouvernement à la tête de la commission des finances mexicaines qui résidait au ministère des finances. Tous les agens du trésor, receveurs-généraux, receveurs particuliers, percepteurs, furent mis en campagne pour le placement de l’emprunt, et leur concours fut rémunéré par des commissions. L’emprunt eut grand succès, et fut interprété par les amis du gouvernement comme une sorte de manifestation populaire et financière en faveur de la politique impériale.

A lire l’exposé des motifs du budget écrit par M. de Lavenay, on croirait que cet honorable vice-président du conseil d’état a perdu la mémoire de ce qui s’est passé lors de l’émission des emprunts mexicains. On regrette que par un mot malheureux il ait attribué l’agitation présente de la question à la spéculation. M. de Lavenay a été mal informé, et reconnaîtra peut-être son erreur, si, voyant son nom mêlé à un intérêt qui les touche si vivement, de pauvres porteurs d’obligations mexicaines s’avisent de prendre, le chemin de son cabinet. Nous connaissons, quant à nous, la classe essentiellement populaire où a été puisée l’épargne des obligations mexicaines. C’est une multitude de vieux serviteurs, de vieilles femmes, de paysans, d’ouvriers, de gendarmes, de soldats en