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personne prît garde à son infortune, mourut en 1493 après cinquante-trois années de règne. Maximilien joua également le rôle de chevalier errant, mais avec infiniment plus d’éclat. C’était un grand chasseur de chamois, et le Tyrol chante encore ses exploits. Sa force, son adresse dans les tournois étaient renommées par toute l’Europe. Un gentilhomme français, Claude de Battré, s’étant rendu à Worms pour défier les plus vaillans champions de l’Allemagne, l’empereur ne dédaigna pas de se mesurer avec lui en champ clos, et il le renversa dans l’arène. Quel contraste entre les litres pompeux dont Maximilien est revêtu et sa puissance réelle ! Quand il arrive à Gand pour épouser Marguerite, la riche héritière de Bourgogne doit commencer par donner à son futur les vêtemens de noces. Comme il voulait introduire en Flandre des soldats allemands, contrairement aux privilèges des communes, les Brugeois le retinrent prisonnier dans une maison qui subsiste encore, jusqu’à ce qu’il promît de retirer les troupes étrangères. Plus tard il guerroya contre la France, mais en servant comme volontaire dans l’armée anglaise avec une solde de cent écus par jour. Prodigue, remuant, romanesque, mêlé à toutes les grandes affaires de son temps, il se précipite sans cesse d’une extrémité à l’autre de l’Europe sans arriver à aucun résultat, parce qu’il poursuit sans suite et sans moyens d’action la chimère de l’empire universel. Il bat les Français à Guinegate et les Turcs dans la Carniole ; mais il ne parvient pas à arrêter les progrès du croissant, et il ne peut arracher la Bourgogne à la France. Battu en huit combats par les Suisses, il est obligé de signer la paix ; vaincu par les Vénitiens que commandait l’Alviane, il perd l’Istrie et le Frioul ; enfin, pour mettre quelques écus dans sa bourse toujours vide, il consent à épouser la nièce de Ludovic le More, de Milan, l’empoisonneur, qui lui donne une dot de 500,000 florins. Malgré ses défauts, son nom est resté populaire en Allemagne, parce qu’il est le dernier représentant de sa maison qui ait eu les qualités de la race germanique. Ses descendans sont plutôt des Espagnols fanatiques ou fantasques, gâtés par l’éducation et l’étiquette castillanes. Charles-Quint, son petit-fils, héritier par sa mère de l’Espagne et de l’Amérique, et par son père des splendides provinces des Pays-Bas, abandonne sans regret à son frère Ferdinand les fiefs allemands qui appartenaient alors à sa famille, c’est-à-dire, outre l’archiduché d’Autriche, le Tyrol, la Styrie, la Carinthie, la Carniole et ses dépendances, et les possessions situées en Alsace et en Souabe. C’était un bien petit territoire en comparaison de ses immenses états, sur lesquels jamais ne se couchait le soleil. Bientôt l’élection, apportant à Ferdinand les couronnes de Bohême et de Hongrie, vint constituer cette puissance que nous connaissons