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une organisation politique qui permît à l’Autriche d’exister comme grande puissance. Ces tentatives peuvent se ramener à trois systèmes qui ont chacun pour partisans très exclusifs l’une des trois grandes races qui peuplent l’empire : le centralisme, que préconisent les Allemands, le fédéralisme, que réclament les Slaves, et le dualisme, que veulent les Hongrois.

Les centralistes viseraient à organiser l’empire sur le modèle de l’Angleterre. Malgré l’épithète qui les caractérise, ils se défendent avec énergie de rien admettre qui ressemble à la centralisation française. Pour tout ce qui est d’intérêt local, ils accordent aux communes et aux provinces les plus larges attributions ; mais d’autre part ils demandent que tout ce qui est d’intérêt général soit réglé par un parlement unique, investi de tous les pouvoirs constitutionnels, et dont les décisions fassent loi dans l’empire entier, qu’il représenterait. C’est le seul moyen, affirment-ils, de conserver à l’Autriche le rang qu’elle a occupé jusqu’à présent et d’empêcher sa dissolution dans l’avenir. Ce système n’a rien qui ne soit conforme aux exigences de la liberté et du progrès, et il est facile de deviner que l’empereur et ses ministres ont essayé par tous les moyens de le faire prévaloir, attendu qu’il donnerait à l’Autriche la cohésion et la force qui lui manquent. C’est à coup sûr l’organisation la plus simple et celle en faveur de laquelle se prononceraient la plupart des étrangers ; mais ce parlement unique se réunirait à Vienne, ville allemande, la langue des débats serait l’allemand, les fonctionnaires représentant le pouvoir seraient Allemands ou imbus de l’esprit allemand ; il en résulterait une prééminence pour l’élément germanique. Or c’est ce que ne veulent à aucun prix ni les Slaves, ni les Hongrois, parce qu’ils ne prétendent pas, disent-ils, se laisser germaniser.

Les fédéralistes respectent l’existence autonome des différens pays qui constituent l’empire. Chacun de ces pays ou groupes de pays aurait sa diète et son gouvernement, qui régleraient toutes les matières, sauf celles en très petit nombre, — armée, finances, relations extérieures, — qui sont incontestablement d’intérêt commun, et dont la décision serait réservée à un parlement national représentant tout l’empire. Ce système diffère du précédent en ce qu’il réduit autant que possible les attributions du pouvoir central, et qu’il anéantit ainsi l’influence des Allemands et de la bureaucratie viennoise. Appliqué, il transformerait l’Autriche en une confédération comme la Suisse, sauf que le pouvoir exécutif se trouverait aux mains d’un empereur héréditaire, dont l’assentiment constitutionnel serait indispensable aux lois votées par les différens états confédérés. Les Tchèques, les Croates, les Slovènes, tous