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prévoyante sollicitude qui avait délivré l’Europe de terribles commotions, ou qui du moins avait ajourné ces commotions. « Jamais peut-être, disait M. Katkof, la visite d’un souverain à un autre souverain n’a eu autant de portée et de force que le voyage de l’empereur Alexandre II à Paris dans les circonstances au milieu desquelles il a été entrepris. Une guerre européenne semblait inévitable, tous les intérêts étaient alarmés, tous les esprits en fermentation…… la situation générale était telle qu’elle s’embrouillait de minute en minute, et que d’elle-même elle ne pouvait s’améliorer… L’Europe ne pouvait attendre de secours que de la Russie, et ce secours lui est venu dans la personne de son souverain… »

Je ne sais trop si le voyage de l’empereur Alexandre II à Paris en 1867 a eu exactement ce caractère et ces résultats. C’est beaucoup voir sans doute dans une excursion où le plaisir a eu sa part. Ce qui est certain, c’est que le voyage du tsar n’a pas changé une situation intérieure où l’influence du parti ultra-moscovite grandit chaque jour. Depuis cette époque en effet, ce parti semble plus que jamais en faveur, et le terrain qu’il gagne, ses adversaires plus modérés le perdent. D’abord M. Milutine, qui depuis son attaque de paralysie s’était retiré à Bade, a paru retrouver la santé, et il a été aussitôt entouré de tous ceux qui espèrent encore le voir rentrer dans la vie active. Même dans son état, il est toujours la tête de ce parti dont son frère, le général Milutine, est resté le bras dans le gouvernement, et qui voudrait voir arriver le général Ignatief au ministère des affaires étrangères. C’est visiblement dans ce sens que vient de se dénouer, il y a quelques jours à peine, une crise où disparaît enfin M. Valouief, si longtemps poursuivi par M. Katkof. On avait parlé d’abord, pour entrer au ministère de l’intérieur, du général Potapof, qui était attaman ad latus des cosaques du Don, et qui a été autrefois sous-chef de la police secrète, adjoint de Mouraviev en Lithuanie ; mais ce n’était qu’un bruit propagé par des amis indiscrets ou trop pressés. Le général Potapof va pour le moment remplacer le général Baranof dans le difficile et épineux gouvernement des provinces occidentales. Le successeur de M. Valouief est le général Tinaschef, ministre depuis quelques mois des postes et télégraphes, et qui n’est pas moins dévoué au jeune parti russe.

C’est du reste un personnage qui peut avoir de l’avenir, quoiqu’il ne soit pas d’une haute naissance. Il a fait sa fortune par son adresse, par son esprit caustique et peut-être aussi par son talent dans la caricature. Au commencement du règne actuel, il a été adjoint du chef des gendarmes, et il ne laissait pas d’avoir un rôle