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ordres et pour plus de secret, dicté lui-même la traduction de la bulle d’excommunication au secrétaire-général du ministère, M. Bigot exprimait en ces termes l’impression qu’il en avait reçue.


« Il paraît, disait-il en commençant, que le pape a senti lui-même que les excès dans lesquels les anciens pontifes avaient donné en attribuant à leurs excommunications des effets relatifs aux droits des souverains et à l’obéissance des peuples seraient aujourd’hui ridicules, s’ils n’étaient considérés comme des crimes d’état. Il s’est expliqué à cet égard par la phrase suivante : « mais tandis que nous sommes forcé de faire sortir du fourreau le glaive de la vérité, nous ne pouvons oublier que nous tenons aussi sur la terre, malgré notre indignité, la place de celui qui, en exerçant sa justice, ne cesse pas d’être le Dieu de la miséricorde ; c’est pourquoi nous défendons expressément, en vertu de la sainte obéissance, à tous les peuples chrétiens et surtout à nos sujets de causer, à l’occasion des présentes lettres ou sous quelque prétexte que ce soit, le moindre tort, le moindre préjudice, le moindre dommage à ceux que ces censures regardent, soit dans leurs biens, soit dans leurs droits ou prérogatives… » On ne remarque pas moins ici, poursuivait le comte Bigot de Préameneu, la subtilité et les prétentions de la cour de Rome, en ce que le pape ne semble faire que par rémission et par indulgence ce qui eût été de sa part, s’il l’eût osé, l’excès le plus coupable.

« Il est encore vrai qu’en même temps qu’il parle du maintien de la soumission aux autorités, le saint-père cherche à peindre avec les couleurs les plus noires les mauvais traitemens et les vexations qu’il assure avoir essuyés depuis le 2 février dernier. Il répète ce qu’il a déjà avancé dans les protestations et les allocutions que votre majesté connaît. On ne peut se dissimuler que la publicité qu’il cherche à donner à ces actes n’ait été dans l’intention de former un parti ; mais votre majesté sait aussi combien cette tentative a été et restera nulle et sans effet, et je ne vois aucune portion de l’empire où la nouvelle forme donnée au gouvernement de Rome fasse une impression qui puisse causer quelque trouble ou donner seulement la moindre inquiétude. S’il y a dans le nord de la Belgique quelque fermentation, elle est demeurée jusqu’à présent sans conséquences. J’ai d’ailleurs écrit aux évêques de se tenir sur leurs gardes et de m’avertir exactement. De leur côté, les ministres de la police et de la guerre exercent la plus sévère surveillance. Ainsi la bulle peut être considérée comme une vaine et inutile protestation, du genre de celles que votre majesté a toujours laissées tomber d’elles-mêmes[1]. »


Après avoir ainsi rassuré l’empereur sur ce qui pouvait exciter le plus vivement son inquiétude, c’est-à-dire sur les atteintes que

  1. Lettre de M. le comte Bigot de Préameneu, ministre des cultes, à l’empereur Napoléon Ier, 3 juillet 1809.