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ami le duc de Bassano, qu’il trouva, suivant ses laborieuses habitudes, occupé au milieu de ses secrétaires à expédier quelques dépêches pressées qui avaient justement trait, à l’alliance projetée avec la Russie. « Quoi de nouveau au cercle de l’impératrice, où je n’ai pu aller ce soir ? — Je vous le dirai quand nous serons seuls. » Les secrétaires renvoyés, M. de Sémonville se mit à conter son affaire. « Voilà qui est très grave, reprit M. de Bassano. Asseyez-vous ; là et mettez-moi tout cela par écrit. » Le lendemain matin, c’était le tour du ministre des relations extérieures de surprendre l’empereur par le récit de la conversation de M. Floret. Aux premiers mots prononcés par le duc de Bassano, la figure de l’empereur s’était illuminée de joie. L’idée de faire entrer dans son lit impérial. la fille des césars, la nièce de l’altière reine de Naples et de l’ancienne reine de France, la conscience de l’étonnement qu’éprouverait l’Europe en voyant un simple soldat élevé par son peuple sur le pavois s’allier à la plus ancienne et à la plus illustre des maisons régnantes, les conséquences politiques d’une pareille union, le profit qu’il y aurait pour lui, dans l’état de ses relations avec le saint-siège, à mettre sur le trône de France une princesse élevée dans la religion catholique de préférence à l’héritière schismatique des tsars, tous les autres avantages d’un mariage qu’il aurait considéré tout à l’heure comme parfaitement chimérique et qui lui était ainsi offert à l’improviste se présentèrent en foule à sa vive imagination ; il était radieux. Prenant alors la parole, Napoléon expliqua à son tour à M. Maret comment des dépêches qu’il venait de recevoir à l’instant de M. de Narbonne se trouvaient confirmer pleinement les ouvertures faites par M. Floret. Le général comte de Narbonne, revenant des provinces illyriennes, s’était par son ordre arrêté à Vienne. Il y avait vu M. de Metternich et l’empereur François. Là, comme dans toutes les cours de l’Europe, on ne parlait plus d’autre chose que du prochain mariage du puissant chef de l’empire français. M. de Narbonne n’avait pas manqué de le représenter dans toutes ses conversations comme hésitant entre les offres des souverains de l’Europe, qui tous briguaient à l’envi l’honneur de lui donner leur fille. Il avait cru voir, à la façon dont il avait été écouté par l’empereur, par M. de Metternich, par tous les personnages considérables de Vienne, que l’idée d’un mariage avec l’archiduchesse Marie-Louise, si l’empereur venait à y songer, ne serait pas mal reçue à Vienne. N’ayant d’ailleurs ni qualité ni mission pour rien dire à ce sujet, il s’était tenu sur la réserve.

Du moment où pareille union devenait possible, il n’y avait plus de raisons, aux yeux de l’empereur, d’en rechercher aucune autre, et le plus pressé était de dénouer doucement les négociations