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se contentent d’exagérer, — et ils exagèrent toujours, — on est tenté de croire qu’ils inventent.

Heureusement nous possédons des sources d’information plus sûres. Ce sont d’abord les précieux recueils de documens diplomatiques relatifs aux affaires de Crète que déjà par deux fois lord Stanley a présentés au parlement. On ne peut imaginer plus riche répertoire : pour la période comprise entre le mois de mars et le mois de novembre 1867, il y a près de trois cents dépêches ; mais ce qui constitue surtout l’intérêt du recueil, c’est sa variété et, si l’on peut ainsi parler, son honnêteté. Sans compter les communications qui s’échangent à propos des troubles de l’Orient entre les ministres des affaires étrangères de Turquie, de Grèce, d’Angleterre, de France, d’Autriche et de Russie, nous avons là des dépêches des consuls anglais à Syra et à La Canée, MM. Lloyd et Dickson, d’un Grec, M. Calocherino, agent consulaire anglais à Rétimo, d’un officier de marine, M. Murray, qui commande le bâtiment anglais chargé de stationner dans les eaux de la Crète. D’Athènes, M. Erskine indique semaine par semaine comment la Grèce observe ou plutôt comment elle viole la neutralité ; de Péra, lord Lyons envoie à son gouvernement tous les renseignemens qui lui parviennent sur les péripéties de la lutte et sur l’accueil que trouvent à la Porte les conseils des puissances européennes. Depuis l’humble vice-consul de Rétimo, un Grec du pays, jusqu’à l’ambassadeur, pair d’Angleterre et l’un des hommes les plus respectés qu’il y ait dans les trois royaumes, tous ces agens donnent franchement leur impression personnelle et leur opinion tout entière. Ce qu’attendent d’eux, ils le savent, le gouvernement de la reine et le parlement, qui contrôlera la politique des ministres, ce ne sont pas des paroles agréables et complaisantes, ce sont des renseignemens exacts et sûrs, c’est la vérité, telle qu’ils la sentent et la voient en leur âme et conscience. Cette sincérité et cette liberté font que l’on trouve dans ce recueil même de quoi redresser les unes par les autres les assertions et les appréciations des différens auteurs de ces dépêches. Ici, c’est le vice-consul de Rétimo qui ne cesse d’énumérer les actes de violence dont il a été témoin en ville et ceux qu’attribuent aux Turcs des rumeurs qu’il accepte parfois peut-être trop légèrement ; là, c’est lord Lyons qui insiste sur les difficultés au milieu desquelles se débattent les ministres turcs et sur les bonnes intentions qu’ils annoncent. En même temps, cédant à l’indignation que leur causent les scènes de désordre et de meurtre auxquelles ils assistent en frémissant, M. Dickson, le consul de La Canée, et le lieutenant Murray, de la marine royale, sollicitent d’un cœur et d’un accent émus des instructions qui leur permettent enfin d’empêcher quelques cruautés. Ces lettres de M.