la librairie « pour prohiber la publication d’un ouvrage historique susceptible de porter atteinte à la réputation d’un membre de la famille royale d’Angleterre, » Napoléon répondait en marge :
« Moscou, 10 octobre 1812.
« Je désapprouve entièrement cette fausse direction donnée à la censure : c’est par là se rendre responsable de ce qu’on imprime. Mon intention est qu’on imprime tout, absolument tout, excepté les ouvrages obscènes et ce qui tendrait à troubler la tranquillité de l’état. La censure ne doit faire aucune attention à tout le reste. »
Et le lendemain, dans une lettre adressée à M. de Montalivet, il réitérait sa prescription en y appuyant encore davantage :
« Moscou, 11 octobre 1812.
« Je n’approuve pas la direction que prend la censure. Mon intention est qu’on laisse une liberté entière à la presse, qu’on n’y mette aucune gêne, qu’on se contente d’arrêter les ouvrages obscènes ou tendant à semer des troubles dans l’intérieur. Du reste, qu’un ouvrage soit bien ou mal écrit, bête ou spirituel, contenant des idées sages ou folles, utiles ou indifférentes, on ne doit point y faire attention. La question que doit se faire le directeur de la librairie est celle-ci : 1° l’ouvrage est-il obscène, et sa publication serait-elle contraire aux règles de la police municipale ? 2° l’ouvrage a-t-il pour but de réveiller les passions, de former des factions ou de semer des troubles dans l’intérieur ? Toutes les fois qu’un ouvrage n’est point dans l’un de ces deux cas, on doit le laisser passer. »
On est confondu de voir, rien qu’à deux années de distance, une décision d’un si ferme et si large bon sens qui vient juger et condamner de tout son poids l’acte exorbitant de 1810.
A partir de ce moment où toute production de sa pensée lui fut interdite et où ce fut chose conclue et décidée, l’existence de Mme de Staël à Coppet et à Genève ne fut plus qu’un long tourment. Elle se considérait comme, dans une geôle et n’était occupée qu’à épier le moment et le moyen pour s’échapper. Ses amis s’affligeaient de ce trouble extrême et étaient quelquefois tentés de l’en blâmer. C’est sans doute ce que fît Camille Jordan, et les réponses suivantes de Mme de Staël nous initient à cet instant de désaccord dans leur amitié, mais ce ne fut qu’un instant.
» Coppet, ce 3 octobre (1811).
« Je ne résisterai point à deux lettres de vous, et je tâcherai d’oublier celle qui en effet a produit sur moi la plus vive sensation que j’aie