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provinces de son empire, une contrée on il y avait une population musulmane de près de 100,000 âmes.

A son point de vue, Fuad avait raison ; il n’y avait plus à insister auprès de la Porte. Après l’enlèvement des familles crétoises et le retour à La Canée d’Omer-Pacha, le cabinet ottoman voulut cacher sous une apparente déférence pour les représentations de l’Europe l’aveu de son impuissance. Le serdar-ekrem reçut l’ordre de ne point entreprendre une nouvelle campagne, une amnistie générale fut proclamée, et six semaines furent données aux volontaires et aux insurgés pour quitter l’île. Le grand-vizir Aali-Pacha partait bientôt après pour la Crète. Il devait faire par lui-même l’enquête à laquelle avaient désiré être associées les puissances ; il devait appliquer à la Crète un nouveau régime dont les bases s’élaboraient alors à Constantinople. Ce n’était point là ce qu’avaient demandé les cabinets ; ce n’était pas ce que, dans l’entrevue de Livadia, en Crimée, le tsar lui-même cherchait à obtenir de Fuad-Pacha par la persuasion, par des complimens et des promesses derrière lesquelles se cachait la menace. En présence de cette force d’inertie que la Porte n’avait cessé d’opposer aux demandes réitérées des puissances, il était temps de clore une négociation dont tout le monde commençait à se lasser. Le cabinet des Tuileries n’était pas le moins pressé de clore le débat ; sans regretter d’avoir arraché au froid et à la famine des milliers de victimes, il commençait à s’apercevoir qu’il était allé bien loin, que le courant l’avait entraîné, comme un bateau qui flotte à la dérive, jusque dans les eaux de la Russie. C’est ce que l’on fit par une note identique qui fut remise le 29 octobre à Fuad-Pacha. La France, l’Italie, la Prusse et la Russie y rappelaient leurs démarches antérieures et la pensée qui les avait inspirées. « Il ne reste plus aux cabinets, disait cette note, comme conclusion, qu’à dégager leur responsabilité en abandonnant la Porte aux conséquences possibles de ses actes. Dans la voie qu’il a choisie et dans laquelle il persévère, le gouvernement ottoman ne pouvait certainement pas compter sur une assistance matérielle de la part des puissances chrétiennes ; mais les cabinets, après avoir vainement tenté de l’éclairer, croient de leur devoir de lui déclarer que désormais il réclamerait en vain leur appui moral au milieu des embarras qu’aurait préparés à la Turquie son peu de déférence pour leurs conseils. »

Quel usage la Porte a-t-elle fait de la liberté d’action que lui rendait cette déclaration des puissances ? Il ne semble pas jusqu’ici qu’elle ait réussi à justifier par ses succès la persistance qu’elle a mise à repousser nos conseils. Les combinaisons d’hospodorat qui avaient été étudiées un moment et encouragées dans une