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fonctions de lord-lieutenant ; tantôt il visite le village où il est né et passe quelques jours chez Walter Scott. « Nous étions nombreux à Abbotsford, écrivait-il à l’une de ses filles, et l’on a raconté bien des histoires. Sir Walter prétend qu’il sait moins de légendes que moi ; mais lui, il a le talent du sorcier qui donne une forme magique à tout ce qu’il touche. » L’année d’après, il était nommé ambassadeur extraordinaire en France pour assister au sacre du roi Charles X, et il retrouvait dans la société française l’accueil courtois et hospitalier contre lequel ses vieilles rancunes ne devaient guère tenir. En même temps ses ouvrages sur la Perse étaient reçus avec faveur par le public littéraire, et la grand’croix de l’ordre du Bain lui était accordée en souvenir de ses services dans l’Inde centrale et de sa belle conduite à la bataille de Mehidpore. Tant d’honneurs ne devaient-ils pas le satisfaire ? Mais sir John Malcolm s’était dit que le gouvernement d’une présidence ou, qui sait ? peut-être le gouvernement-général de l’Inde serait le digne couronnement d’une carrière consacrée tout entière aux affaires de ce pays. Il vivait sur cette espérance.

Le duc de Wellington répétait à son ami ce qu’il lui avait déjà dit dix ans auparavant, que, pour obtenir un grand emploi, il fallait entrer au parlement, et qu’au lieu de retourner dans une colonie lointaine il était préférable de s’occuper des affaires publiques de l’Angleterre. Il ne cessait pas néanmoins d’appuyer les prétentions de sir John Malcolm. « Mais, lui écrivait-il un jour, je suis comme l’enfant qui avait si souvent crié au loup que l’on ne voulait plus le croire. À force de me faire l’interprète de vos réclamations, j’en suis venu à me faire considérer comme empreint de partialité à votre endroit. » À quoi Malcolm répondait à son tour : « Je sais quelles objections on oppose contre ma nomination à Madras ; la principale est que mon beau-père est commandant en chef de cette présidence. Si j’avais demandé Bombay, on m’aurait répondu que j’y ai un frère, et si jamais je sollicite le gouvernement du Bengale, on m’écartera parce que je n’y connais personne. Ceci me rappelle une anecdote persane. Un homme voulait emprunter un cheval. L’ami auquel il s’adresse lui répond : Mais mon cheval est noir. — Cette couleur me plaît, dit l’emprunteur. — Mais il a de gros yeux. — Je les aime mieux gros que petits. — C’est un drôle de goût ; mais il a le corps tout couvert de poils. — Oh ! je vois bien que vous ne voulez pas me le prêter. — Vous auriez dû vous en douter dès ma première réponse. — J’ai deviné tout d’abord ce qu’il en était, continuait Malcolm ; mais je persévérerai jusqu’au bout. »

Ses désirs furent enfin exaucés. En 1827, il était nommé gou-