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Cet homme d’état venait de faire un long séjour à Simlah, station sanitaire au pied de l’Himalaya ; l’air des montagnes lui avait inspiré, dit-on, plus d’audace et d’énergie. Il est juste de reconnaître que le gouverneur-général, en cette résidence d’été, étant aussi plus voisin de la frontière nord-ouest, suivait mieux les affaires qui s’y débattaient. Loin de déplaire, la présence de Pottinger à Hérat durant le siège avait été considérée comme une circonstance favorable à la politique anglaise ; on lui savait gré de la part qu’il avait prise à cette guerre. Tandis qu’il se trouvait encore dans cette province lointaine, il fut nommé assistant politique de l’envoyé plénipotentiaire qui devait suivre les opérations militaires en Afghanistan.

La guerre entreprise pour « substituer à Caboul un pouvoir ami à un gouvernement hostile et pour couvrir la frontière nord-occidentale de l’Inde contre toute tentative d’agression » fut, on le sait, aussi heureuse au début que fatale par la suite. Dost-Mohamed fut expulsé dès les premiers coups de fusil, et Shah-Soujah, soutenu par les baïonnettes et l’or des Anglais, reçut de ses anciens sujets un accueil triomphal. Cependant Pottinger s’efforçait de réparer à Hérat les maux qu’un si long siège avait causés. Ayant obtenu de lord Auckland des subventions pécuniaires, il entreprit de remettre la ville en état de défense et de ramener les habitans de la province aux occupations pacifiques du commerce et de l’agriculture. Il y réussissait assez bien ; mais, les mœurs et les habitudes du gouvernement local lui firent bientôt une position intolérable. Pour remplir le trésor de l’état, qui était vide, le vizir Yar-Mohamed ne vit pas de meilleur moyen que de reprendre son ancien métier de marchand d’esclaves. L’officier anglais ne voulut pas rester témoin muet de ce hideux négoce. À ses reproches, on répondit par des insultes. Un autre officier, le major Todd, étant arrivé sur ces entrefaites, Pottinger s’éloigna de Hérat après un séjour de deux années. Il s’entretint, en passant à Caboul, avec l’agent anglais, sir William Macnaghten, établi dans cette ville à la suite de l’armée expéditionnaire, se rendit à Simlah pour rendre au gouverneur-général un compte verbal de ses actions, et vint enfin à Calcutta jouir de quelques mois de repos.

Il ne fut pas longtemps oisif ; en 1841, on le renvoyait en Afghanistan comme agent politique du Kohistan, province éloignée où il prit résidence en compagnie de quelques officiers et d’une escorte de cipayes. L’heure des désastres allait sonner. Les Afghans s’étaient réconciliés d’abord avec Shah-Soujah à la faveur des larges distributions d’argent que leur faisait l’ambassade anglaise. Deux ans après cette restauration, lord Auckland se dit qu’il était temps de