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formuler une remarque qui s’appliquerait facilement à beaucoup de théories nouvelles, c’est que le public l’embrasse peut-être avec plus d’ardeur encore que les savans. Comme on lui présente la théorie réduite à ce qu’elle a de tout à fait essentiel, comme on ne lui montre que ce qui est clair en ayant soin de laisser dans l’ombre les difficultés et les incertitudes, il l’adopte avec une foi absolue, il ne conserve aucun doute alors que parmi les gens spéciaux plusieurs en sont encore à faire des restrictions. Quoi qu’il en soit, le premier principe de la thermodynamique, celui qui proclame l’équivalence de la chaleur et du travail mécanique, est désormais au-dessus de toute controverse. Tout le monde sait, tout le monde admet qu’une unité de chaleur, une calorie, équivaut à un nombre déterminé d’unités de travail ou de kilogrammètres. Il y a bien encore une légère incertitude au sujet du nombre précis qu’il convient d’adopter pour valeur numérique du rapport d’équivalence; toutefois le nombre 425, qui est le résultat moyen d’un grand nombre de recherches, semble prévaloir dans l’usage général. Les divergences qui se produisent encore çà et là dans quelques déterminations expérimentales sont de peu d’importance et n’infirment en rien la valeur du résultat théorique.

Le principe fondamental de la théorie, disons-nous, est inattaquable, et cependant, depuis qu’il jouit d’une véritable autorité dans la science, des bruits singuliers se sont répandus sur la portée qu’il faut lui donner. On a entendu dire que ce premier principe n’allait pas sans un second qui en modifiait profondément le sens. S’il fallait en croire ces rumeurs, le second principe de la thermodynamique ne serait pas seulement le complément du premier, il en serait le correctif, et il le corrigerait de telle façon qu’il n’en laisserait subsister que peu de chose. Après avoir fait un pas en avant, il faudrait immédiatement faire un pas en arrière. La thermodynamique, réduite à ses deux principes essentiels, ressemblerait alors à ces œuvres hybrides dont la fin contredit le commencement. Chacun se rappelle cet énoncé de loi en deux articles que formulait il y a vingt ans un esprit satirique. « Article premier : — la propriété est abolie; article second: — la propriété est rétablie. » On a pu craindre un instant qu’il ne fallût recourir à un énoncé de cette sorte pour exprimer dans leur ensemble les deux principes de la thermodynamique. Hâtons-nous de dire qu’il n’en est rien. Oui, il y a dans la théorie mécanique de la chaleur un second principe qui a son importance, sa signification spéciale, mais qui peut très bien vivre avec le premier. Que l’un et l’autre puissent être ramenés à une loi supérieure qui les embrasse tous deux, on le conçoit, on le pressent du moins, et nous aurons sans doute occasion