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ÉTUDES ET PORTRAITS
DU
SIÈCLE D’AUGUSTE

I.
GERMANICUS.

Les époques de décadence sont voilées d’une teinte sombre : elles laissent au moraliste une tristesse mêlée d’amertume; mais elles sont traversées par de douces et belles figures qui réconcilient avec l’humanité et qu’il est consolant de contempler. Au milieu des désordres et des crimes, on a besoin de vivre quelques heures avec d’honnêtes gens. Germanicus est un de ces types, consacré par une immense popularité, immortalisé par un grand historien. Tacite est un partisan posthume de Germanicus : il l’adore et le fait aimer. Y toucher après lui est téméraire; mais il est possible d’ajouter au portrait idéal de Tacite quelques traits de réalité empruntés aux monumens que l’antiquité nous a légués; il est permis surtout d’expliquer le rôle de Germanicus avec une liberté que n’avait pas Tacite, consul sous les empereurs et grave observateur de toutes les convenances.

Un proverbe grec dit que le plus heureux de tous les hommes est celui qui n’est pas encore né; on pourrait assurer de même que le meilleur des princes est celui qui n’a jamais régné. Germanicus n’a pas été mis à l’épreuve, comme les braves qui n’ont jamais été au combat, comme les santés qui n’ont jamais reçu d’at-