Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 75.djvu/274

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ils ne réfléchissent pas que c’est un moyen de s’obérer davantage, que c’est le pire de ceux auxquels ils devraient avoir recours. Il faudra payer les arrérages de ces emprunts, et le préjudice qui en résultera peut être comparé aux effets de l’absentéisme en Irlande. Les capitaux seront produits en Russie, en Italie, en Autriche, et ils iront se dépenser en France, en Angleterre, en Hollande, comme ceux de l’Irlande se dépensent en Angleterre.

Nous ne sommes pas de ceux qui croient que l’emprunt d’un état n’appauvrit pas le pays où il se contracte du moment qu’il y est dépensé; nous laissons cette théorie aux inventeurs de l’économie politique moderne. Nous faisons une très grande différence entre le rentier qui reçoit les arrérages et le contribuable qui les paie; mais, emprunt pour emprunt, nous aimerions mieux le voir réalisé dans notre propre pays avec un intérêt plus élevé qu’au dehors avec un intérêt moindre. Les arrérages au moins ne sortent pas de chez nous. Il est vrai que, si ce n’est dans le cas d’interdiction absolue, les étrangers ont toujours la faculté d’acheter le fonds de cet emprunt; néanmoins il y a une grande différence entre les facilités qui sont accordées dans l’une ou dans l’autre circonstance. Lorsque l’emprunt est contracté au dehors, il est stipulé payable sur tous les principaux marchés en monnaie métallique et au change fixe, tandis que, s’il est fait à l’intérieur, on ne donne pas les mêmes avantages; l’étranger reste exposé aux difficultés de la négociation et aux variations du change, et il n’est guère disposé alors à y risquer ses économies.

Tels sont les causes et les inconvéniens du cours forcé, qui a contribué plus que toute autre chose à accroître démesurément notre encaisse métallique. Passons à une dernière considération. Il semble bizarre de déclarer que notre réserve métallique s’est accrue en raison même du développement de la circulation fiduciaire. Ordinairement c’est le contraire qui a lieu; cependant le fait est exact. A mesure qu’on voyait les espèces affluer à la Banque, comme elles avaient pour effet d’augmenter la garantie sur laquelle repose la circulation fiduciaire, on était d’autant plus empressé de prendre des billets, monnaie plus commode et d’un transport plus facile que le numéraire, et on en arrivait ainsi à faire de la Banque de France une véritable banque de dépôt, comme celles d’Amsterdam et de Hambourg, se bornant à échanger des billets contre des espèces. Il y a des gens qui, en présence de cet encaisse de 1,150 millions, voient là les plus magnifiques perspectives pour développer un jour la circulation fiduciaire. Ils rêvent déjà qu’en gardant les proportions ordinaires on pourra arriver à 2 milliards 1/2 de billets au porteur. C’est encore une erreur. La circulation fiduciaire n’est à