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institution vieillie ; ce qu’ils avaient de commun, c’est que la même évidence les avait tous frappés en même temps. Ils condamnaient l’exonération par voie administrative comme une fabrique de vieux prétoriens calculateurs et viveurs ; ils disaient tout haut que la garde, outre qu’elle pèse lourdement sur le budget, blesse le sentiment d’égalité, qui est le fond de l’armée française, en créant une aristocratie de faveur et de hasard. Ils souhaitaient que l’avancement sur l’arme remplaçât partout l’avancement au corps, que l’intrigue des protecteurs, si forte et si funeste sous un gouvernement personnel, fût détrônée par un système d’épreuves orales et écrites constatant les aptitudes et les études de chaque sujet, que l’âge de la retraite fût avancé d’au moins dix ans pour l’officier sans avenir, et qu’on le remplaçât, jeune encore, vers quarante ans, dans les emplois civils. Cette méthode, disaient-ils, aurait le double avantage de prévenir l’envieillissement de l’armée et de chasser des ministères une multitude de jeunes gens qui se vouent dès l’adolescence au désœuvrement des bureaux. Le zèle de nos jeunes censeurs touchait à tout ; il supprimait certains emplois indispensables avant 1789 et parfaitement inutiles aujourd’hui ; il augmentait la solde de quelques grades, qui est restée au même chiffre depuis la Révolution, quoi que le prix de toutes choses ait doublé ; il renvoyait impitoyablement tout un olympe de généraux inutiles, souvent incapables, toujours routiniers, qui sont plutôt les éteignoirs que les lumières de l’armée. L’armement de notre infanterie était mis au rebut ; on prônait hardiment le fusil à tir rapide et répété, se chargeant par la culasse ; on réfutait les sempiternelles objections de la commission des armes portatives ; on se colletait moralement avec ces estimables sourds qui nous ménageaient le plaisir d’assister en spectateurs désintéressés au drame de Sadowa. Paul Astier avait pris sous son patronage un système de transformation très-simple et très-économique inventé par un contrôleur d’armes de l’arsenal de Metz. Il ne proposait pas d’innovations déterminées dans l’uniforme du soldat, mais il le déclarait aussi détestable en campagne qu’agréable à contempler aux revues du Champ-de-Mars.

Il demandait pourquoi le gouvernement, qui met la construction des opéras au concours, n’en fait pas autant pour l’uniforme des soldats, et il n’avait pas de peine à prouver qu’un prix de cent mille francs donné à l’inventeur d’un uniforme définitif épargnerait plus de cent millions aux contribuables. Il serait long de résumer ici le volume in-octavo qu’il écrivit tout d’une haleine sur ces questions et cent autres, son projet de bataillons à sept compagnies dont une de tirailleurs, la réduction des divers corps de cavalerie en deux spécialités, cavalerie légère et grosse cavalerie, hussards pour éclairer et ramasser, dragons pour charger l’ennemi. L’auteur