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sant la création d’un parti purement ruthène qui en est venu bientôt à se détacher de la puissance par laquelle il avait été appelé à la vie, et en préparant l’invasion de l’influence russe, qui n’a eu qu’à exploiter à son profit l’antagonisme créé en Galicie. La Russie a d’abord agi, comme elle fait toujours, par des moyens en apparence inoffensifs, à peine saisissables, en répandant des livres de piété, en paraissant encourager des œuvres de bienfaisance et des fondations religieuses, en cherchant à se populariser parmi les prêtres et les paysans, en flattant les chefs de cette nationalité renaissante et en constellant leur poitrine de décorations. Elle s’est tenue surtout dans une certaine réserve tant que l’Autriche, embourbée dans ses routines bureaucratiques et absolutistes, semblait rester fidèle à la triple alliance du nord et marchait d’intelligence avec le cabinet de Saint-Pétersbourg. Peu à peu, à mesure que les circonstances ont changé, que l’Autriche, de plus en plus menacée, de plus en plus éprouvée, a senti le besoin de se renouveler, à mesure aussi que la situation de l’Europe est devenue plus incertaine et que la Russie elle-même s’est sentie excitée dans ses instincts d’ambition nationale, l’antagonisme a pris un caractère plus sensible, plus aigu. D’un côté, l’Autriche a commencé à réfléchir sur les conséquences de la politique qu’elle avait suivie depuis bien des années; de l’autre, une alliance naturelle s’est faite entre le parti ruthène, flatté jusque-là, favorisé dans ses aspirations, et l’influence russe, devenue plus active. La vérité est que depuis quelque temps cette alliance s’atteste sous mille formes, qu’elle remue la Galicie, et qu’elle a retenti jusque dans la diète provinciale par l’organe du chanoine grec-uni Petruszevicz, qui n’a point caché ses affinités russes. Un journal, le Slovo, a été créé à Lemberg en apparence pour soutenir le droit de la nationalité ruthène, en réalité pour aider à la propagande moscovite. Une société, sous le nom de Sociale de Saint-George, a été formée pour défendre la même cause. Des émissaires russes ont été surpris semant de l’argent, cherchant à agiter les populations, faisant tous leurs efforts pour capter l’esprit des prêtres et des paysans par le prodigieux mirage des bienfaits du gouvernement paternel du tsar. Et ce que la Russie fait en Galicie, elle le fait également dans les districts orientaux de la Hongrie, car en Hongrie aussi il y a une nation russe. Il n’y a pas longtemps encore, à ce que disent les journaux de Moscou et de Pétersbourg, dans les comitats d’Éperies, de Marmarosz et d’Unghuar, les habitans se seraient réunis et auraient élu un comité de onze membres sous la présidence d’un prêtre du nom de Michalics. Ce comité aurait rédigé un programme des « vœux de la nation russe en Hongrie, » et le premier article de ce programme portait :