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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 75.djvu/445

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fantaisies passagères, nous en fournira lui-même quelques exemples; mais nous verrons qu’il a sa part d’originalité, et nous espérons montrer qu’il dépend de lui de la dégager plus nettement.


I.

La poésie anglaise a passé par une sorte de crise à laquelle je ne sache pas qu’on ait accordé chez nous quelque attention. S’il est vrai, comme le dit Coleridge, un profond penseur, que, pour connaître l’homme en santé, il le faut étudier à l’état maladif, nous avons une bonne occasion d’examiner le fort et le faible des vers que nous envoie l’Angleterre actuelle : la poésie y relève en effet d’une maladie dont on a été un peu dupe partout, et il n’y a pas grand mérite aujourd’hui, nous en convenons volontiers, à constater ce que tout le monde a reconnu, c’est que l’on admirait bien fort des raffinemens puérils, des procédés mécaniques, des imitations mal déguisées; c’est que l’on prenait des fantaisies pour de l’imagination, des obscurités pour de la profondeur, des mouvemens fébriles pour de la force et de fausses couleurs pour de la santé. Comme le poète heureux et facile, trop facile même, à qui ce travail est consacré, ne s’est pas maintenu, n’a pas voulu se maintenir toujours pur de la contagion à la mode, il convient d’insister sur celle-ci, quand ce ne serait que pour mettre hors de question les bonnes pages où il a su s’en affranchir. On nous permettra donc quelques détails d’une pathologie littéraire assez curieuse en faveur des conseils qui en sortiront d’eux-mêmes.

En cet âge utilitaire, la poésie anglaise est plus que jamais une dédaigneuse et délicate personne que froisse de mille manières la grossièreté des intérêts, des besoins, des plaisirs du temps. Trop sincère dans ses griefs pour être affectée dans ses mépris, trop réellement souffrante et blessée pour n’être qu’une précieuse, elle ressemble à ces jolies femmes d’une sensibilité raffinée, overnice, qui ne connaissent pas le régime fortifiant d’une vie active, qui se font un art et un mérite de leurs dégoûts, de leurs inquiétudes, et finissent par se croire d’une nature supérieure, parce qu’elles confondent le simple avec le banal et le naturel avec le vulgaire. De telles dispositions font que l’on ne supporte ni le soleil qui luit pour tout le monde, ni le grand jour, ni les arêtes vives des objets. Un poète qui se tient à ce régime a toujours l’air de sortir de je ne sais quel cachot où il était séquestré, et de voir la nature pour la première fois. « Nos nerfs sont un clavier délicat qu’une forte émotion briserait. Une pensée jaillit-elle sur la page ou sur les lèvres de nos grands poètes, soit qu’ils parlent, soit qu’ils écrivent, ils l’emmaillottent dans le luxe de leurs rimes, et à grand renfort