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rations fut remis le lendemain à midi au promoteur de l’officialité, M. Rudemare, et presque en même en temps il reçut une lettre de M. Guyeu, qui le prévenait que ses conclusions étaient attendues pour le jour suivant à onze heures, le menaçant de toute la colère de sa majesté, si la sentence n’était pas rendue à l’instant indiqué. Cependant, sans que M. Guyeu en eût donné le motif, la séance fut remise au lendemain 9 janvier à midi au prétoire de l’officialité, alors établi dans l’ancienne chapelle haute de l’archevêché. « Là M. Guyeu, après avoir extravagué pendant une demi-heure et plus sur le non-consentement de l’empereur, termina sa plaidoirie en déclarant que sa majesté n’avait jamais voulu contracter mariage avec l’impératrice Joséphine, et fit valoir, dit M. Rudemare, en faveur de l’homme qui nous faisait tous trembler un moyen de nullité qui ne fût jamais utilement invoqué que par un mineur surpris et violenté. » Le moment était venu pour le promoteur de l’officialité de donner son avis. Sa tâche était difficile, car les dépositions des témoins, malgré ce qu’avait annoncé M. Guyeu, avaient plutôt embrouillé qu’éclairci l’affaire. Elles étaient d’ailleurs parfaitement contradictoires. Trois des témoins, Duroc, Berthier et Talleyrand, s’accordaient à dire, sur les deux premiers chefs, qu’il était à leur connaissance que, si la bénédiction nuptiale avait été donnée, elle avait effectivement eu lieu sans consentement véritable de la part de l’empereur, sans propre prêtre, sans témoins, sans pièce authentique en constatant l’existence. « Or, remarquait fort justement le promoteur, un acte dont il n’y a ni titres ni témoins est sans réalité aux yeux du juge; il n’y a pas lieu à le déclarer valablement ou non valablement contracté, avec ou sans consentement suffisant; c’était comme une chose non avenue. Ce qui se passe dans le secret d’un appartement entre deux personnes sans laisser aucune trace est devant la loi comme ce qui se passe dans l’intérieur de l’âme et qui n’a que Dieu pour juge. » Mais arrivait la déposition du cardinal Fesch, qui démentait le dire de l’archi-chancelier et les dépositions des trois premiers témoins. L’aumônier de l’empereur affirmait qu’il avait dressé l’acte régulier de la bénédiction nuptiale, et qu’il en avait délivré lui-même le certificat à l’impératrice[1]. Certes l’embarras était grand pour le pauvre promoteur, mais plus forte encore était sa crainte de déplaire et de compromettre avec lui le chapitre de Paris et l’église de France tout entière. Arguant, comme il était vrai, de l’absence des deux témoins qu’exigeait le concile de Trente, et qui devaient même être au nombre de quatre suivant l’ordon-

  1. Narration de M. l’abbé Rudemare.