Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 75.djvu/525

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
L'ALLEMAGNE
DEPUIS LA GUERRE DE 1866

VI.
LA HONGRIE, SES INSTITUTION ET SON AVENIR[1].

Pour constituer avec des populations d’origine et de langue différentes un état capable de résister aux causes intérieures et extérieures de dislocation, il y a deux moyens. Le premier consiste à plier ces populations sous la main du pouvoir central, à leur ôter leurs institutions anciennes, à détruire jusqu’au souvenir de leur passé, à les déshabituer de l’emploi de leur idiome particulier, à effacer enfin tout ce qui les distingue les unes des autres, et à leur imposer au contraire les mêmes lois, les mêmes idées, les mêmes usages et jusqu’aux mêmes goûts, à les faire surtout participer aux bienfaits des mêmes progrès en leur inspirant ainsi l’amour et l’orgueil de la patrie commune. Tel est le procédé qui a réussi en France d’une façon plus complète que partout ailleurs, l’ancien régime ayant fondé l’unité, et la révolution l’ayant fait chérir, adorer, peut-on dire, jusqu’au fanatisme. Le second procédé est tout l’opposé du premier : il consiste, à respecter les traits distinctifs des faces diverses, leurs lois. leurs coutumes, à leur laisser le droit de se gouverner elles-mêmes en toute liberté et de suivre la voie où les porte leur génie, à favoriser le plein épanouissement de leurs facultés, de leur langue, de leur littérature, de leur richesse, afin que, se sentant sous ce régime plus heureuses qu’elles ne le

  1. Voyez la Revue du 1er avril 1868.