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nécessairement à l’espèce ; elle admet donc qu’il y a des principes de fécondation dans toute combinaison vitale, et même que tout est combinaison vitale, vie latente, impatiente de s’organiser par son mariage avec la matière. Quoi qu’on fasse, il faut bien parler la langue humaine, se servir de mots qui expriment des idées. On aura beau nous dire que la vie est une pure opération et une simple action de la matière, on ne nous fera pas comprendre que les opérations de notre pensée et l’action de notre volonté ne soient pas le résultat de l’association de deux principes en nous. Que faites-vous de la mort, si la matière seule est le principe vivant ? Vous dites que l’âme s’éteint quand le corps ne fonctionne plus. On peut vous demander pourquoi le corps ne fonctionne plus quand l’âme le quitte. Et tout cela, c’est un cercle vicieux où les vrais savans sont moins affirmatifs que leurs impatiens et enthousiastes adeptes. Il y a quelque chose de généreux et de hardi, j’en conviens, à braver les foudres de l’intolérance et à vouloir attribuer à la science la liberté de tout nier. Inclinons-nous devant le droit qu’elle a de se tromper. Ses adversaires en usent si largement ! Mais attendons, pour nier l’action divine qui préside au grand hyménée universel, que l’homme soit arrivé par la science à s’en passer ou à la remplacer.

Vous ne pensez, nous disent les médecins positivistes, que parce que vous avez un cerveau. Très bien, mais sans ma pensée mon cerveau serait une boîte vide. — Nous pouvons mettre le doigt sur la portion du cerveau qui pense et oblitérer sa fonction par une blessure, notre main peut écraser la raison et la pensée i — Vous pouvez produire la folie et la mort ; mais empêcher l’une et guérir l’autre, voilà où vous cherchez en vain des remèdes infaillibles. Cette pensée qui s’éteint ou qui s’égare dans le cerveau épuisé ou meurtri est bien forcée de quitter le milieu où elle ne peut plus fonctionner.

— Où va-t-elle ? — Demandez-moi aussi d’où elle vient. Qui peut vous répondre ? Me direz-vous d’où vient la matière ? Vous voilà étudiant les météorites, étude admirable qui nous renseignera sans doute sur la formation des planètes. Mais quand nous saurons que nous sommes nés du soleil, qui nous dira l’origine de celui-ci ? Pouvez-vous vous emparer des causes premières ? Vous n’en savez pas plus long sur l’avènement de la matière que sur celui de la vie, et si vous vous fondez sur la priorité de l’apparition de la matière sur notre globe, vous ne résolvez rien. La vie était organisée ailleurs avant que notre terre fut prête à la recevoir ; latente chez nous, elle fonctionnait dans d’autres régions de l’univers.

Mais il n’y a pas de matière proprement inerte ; je le veux bien ! Chaque élément de vitalité a sa vie propre, et j’admets sans