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tendances actuelles nous ramènent à d’Holbach et compagnie, comme il y avait là en somme très bonne compagnie, il en sortira quelque chose de bon ; la vie ne s’arrête pas parce que l’esprit fait fausse route. Une notion qui tend à comprimer son essor, à détruire son énergie, à refroidir son élan vers l’infini, n’est pas une notion durable ; mais la science seule peut redresser et éclairer la science. S’il était possible de la réduire au silence, ce qu’il y a de vrai dans le spiritualisme aurait chance de succomber longtemps. Les esprits vulgaires s’empareraient d’un athéisme grossier comme d’un drapeau, et la recherche de la vérité serait soumise aux agitations de la politique. Tel n’est point le rôle de la science, tel n’est point le chemin du vrai. Telle n’est heureusement pas la loi du progrès, qui est la loi même de la vie.

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Ce n’est certes pas moi, ma chère amie, qui vous dirai par où le monde passera pour sortir de cette crise. Je ne sais rien qu’une chose, c’est qu’il faut que l’homme devienne un être complet, et que je le vois en train d’être comme l’enfant dont on voulait donner une moitié à chacune des mères qui se le disputaient. L’enfant ne se laissera pas faire, soyons tranquilles.

Au reste, je me suis probablement aussi mal exprimé que possible sur le fond de la question en parlant de la vie comme d’une opération. C’est plus que cela sans doute, ce doit être le résultat d’une opération non surnaturelle, mais divine, où les élémens abstraits se marient aux éléments concrets de l’existence ; mais il y a un langage technique que je ne veux point parler ici, parce qu’il me déplaît et n’éclaircit rien. Les sciences et les arts ont leur technologie très nécessaire, et vous voyez que j’évite d’employer cette technologie à propos de botanique. Elle est si facile à apprendre que l’exhiber serait faire un mauvais calcul de pédantisme. La technologie métaphysique n’est pas beaucoup plus sorcière, comme on dit chez nous ; mais elle n’a pas la justesse et la précision de la botanique. Chaque auteur est forcé d’y créer des termes à son usage pour caractériser les opérations de la pensée telle qu’il les conçoit. Ces opérations sont beaucoup plus profondes que les mystères microscopiques du monde tangible. Après tant de sublimes travaux et de grandioses explorations dans le domaine de l’âme, la science des idées n’a pas encore trouvé la parole qui peut se vulgariser : c’est un grand malheur et un grand tort. Le matérialisme radical menace d’une suppression complète la recherche des opérations de l’entendement humain. Allons donc ! alors vienne l’homme de génie qui nous expliquera notre âme et notre corps dans l’ensemble de leurs fonctions, par des vérités sans réplique et dans une langue