idées que leur avait inspirées l’accord heureux mais trop passagèrement établi, entre ces deux puissances. Aujourd’hui, malgré l’habileté de sa prose. M. Regnault de Saint-Jean d Angely aurait u tort de hasarder la moindre allusion à l’état présent de Pie VII : le silence valait mieux; mais ce silence combien n’était-il pas lui-même significatif! Il prouvait qu’en dépit de tant de phrases sonores l’empereur avait, mieux que les gens qu’il faisait agir et parler, le juste sentiment de sa véritable situation devant l’opinion publique. Plus sagace qu’eux tous, il avait vaguement deviné qu’entre l’empereur triomphant et le pontife prisonnier, entre ces alliés d’un jour maintenant brouillés, les sympathies des âmes élevées et ne craignons point de le dire, celles du bon, du simple, de l’honnête vulgaire, n’étaient plus de son côté, qu’elles étaient entièrement passées de l’oppresseur à la victime. En vain la plupart des rois de l’Europe se pressaient à sa cour pour solliciter l’honneur de ses précieuses bonnes grâces; en vain il lisait sur les visages de tous ceux qui l’entouraient une soumission sans borne et sur les traits radieux de ses plus dévoués serviteurs un redoublement de zèle et d’admiration ; en vain il s’efforçait lui-même d’être tout entier à la joie de ce prochain mariage, qui était en même temps pour lui le plus éclatant des triomphes, car il avait conquis sa jeune fiancée à la pointe de son épée, comme ses plus belles provinces. Si son orgueil était satisfait, sa conscience n’était pas tranquille. A défaut de remords, qu’il n’était pas dans sa nature d’éprouver, il sentait un certain malaise toujours prêt à se trahir, une sorte d’irritation dont il n’était pas toujours le maître, chaque fois que des circonstances imprévues (et nous allons voir qu’elles ne firent point défaut) le forçaient à faire lui-même le rapprochement qu’il avait interdit à ses sujets, et lui rappelaient l’inoffensif vieillard qu’il avait fait enlever de son palais par des gendarmes, qu’il avait traîné de ville en ville, et qu’il détenait maintenant dans une petite bourgade de son empire, non-seulement séparé de tous ses conseillers naturels, mais privé, lui chef de l’église de toutes relations spirituelles avec les catholiques du monde entier.
L’occasion de reporter sa pensée sur ses anciens rapports avec le saint-siège fut d’abord fournie à l’empereur par l’arrivée successive des cardinaux romains, qu’il avait en hâte de faire venir à Paris. C’était un dessein politique qui lui avait dicté cette mesure. Napoléon avait craint, si Pie VII venait à mourir, que le membres du sacré-collège, réunis tout à coup sur quelque point du continent où sa domination n’était pas reconnue, ne songeassent à élire un pape qui lui fût contraire. Il s’était donc proposé de les tenir tous sous sa main, au centre même de son empire, afin de pouvoir peser