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sommes considérables à la portée d’un pouvoir pour qui l’emprunt est trop souvent une nécessité. Le danger était d’autant plus grand qu’il existait chez nous, sous prétexte d’amoindrir les dettes, un ingénieux procédé pour les augmenter sans qu’il y parût. Ouvrir le grand-livre, comme on dit, est un acte solennel qui attire l’attention et devient un texte de harangues ; mais les inscriptions sur ce grand-livre comportaient sous le même total deux catégories de rentes, les unes appartenant à des particuliers et que l’état devait payer, les autres attribuées fictivement à la caisse d’amortissement et qu’on ne payait pas. Or, quand existait quelque part un capital que le gouvernement avait désir d’appliquer à ses besoins, il suffisait d’insérer dans un article inaperçu d’une loi financière que la rente du capital disponible serait inscrite au nom de l’établissement dont on s’appropriait les fonds : une rente d’égale somme était rayée du compte de l’amortissement, le total apparent de la dette publique n’était pas changé, et l’emprunt était fait.

C’est ainsi que deux lois de 1857 et 1860, lois à peine remarquées, vaguement consignées dans les documens, autorisèrent le ministre des finances à employer les excédans de la dotation de l’armée de 1857 à 1861 inclusivement, à la charge de mettre au service de la caisse militaire une certaine somme de rentes actives prises sur les rentes passives de la caisse d’amortissement. Depuis son origine en 1856 jusqu’au 31 janvier 1867, lassasse d’exonération a reçu des familles l’énorme somme de 703,510,118 fr. À cette même date, elle avait dépensé, en primes d’engagemens, hautes paies de réengagemens et pensions de retraite, 357,758,500 francs. Elle a consacré, des achats de rentes sur l’état 357,588,580 fr. Il lui restait un solde d’environ 7 millions, qui s’élève probablement à une quarantaine de millions aujourd’hui. Sur le capital employé en rentes 3 pour 100, combien l’état a-t-il consolidé à son profit ? Le premier coup d’œil jeté sur une comptabilité limpide devrait nous l’apprendre ; mais nos documens financiers, malgré la réputation de clarté qu’on leur a faite, ne sont souvent que des énigmes à deviner. Nous trouvons que jusqu’en 1861 une somme de 182,947,676 francs prélevée par l’état sur les produits de l’exonération a été remplacée par une rente de 7,942,315 francs provenant du fonds d’amortissement. Malgré une recherche obstinée, nous n’avons pas pu discerner si les autres rentes acquises à la dotation proviennent de la même origine ou ont été achetées à la Bourse. En 1865, une nouvelle saignée, sous une autre forme cette fois, est faite au fonds de dotation. L’état réclame le concours de la caisse pour des supplémens de pensions militaires, et à ce titre il trouve moyen d’appliquer à l’équilibre de ses budgets un subside