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beaucoup en France ce qu’il rapporte aujourd’hui. L’habitude des spiritueux a pris une extension très rapide, mais alarmante pour l’hygiène et la moralité publique, et, malgré les brillantes recettes qu’elle procure, on n’ose pas désirer qu’elle se propage. La même observation serait applicable au tabac. La sucrerie indigène, qui donne déjà plus de 50 millions au trésor, déclare qu’elle pourrait rendre beaucoup, mais à la condition d’un dégrèvement qui solliciterait la consommation, et d’un mode de perception qui ne ferait plus obstacle au progrès industriel. La conclusion à tirer de tout cela est que nos impôts indirects rendent à peu près tout ce qu’on en peut espérer avec le jeu actuel de notre fiscalité. Il est chimérique de compter sur ira accroissement régulier qui finirait par mettre d’aplomb nos budgets et rendrait inutiles ces expédiens dont nous venons de faire la longue et triste énumération.

La théorie qui compte sur la progression indéfinie des revenus de l’état semble autorisée par ce fait que l’empire a trouvé les impôts indirects à moins de 800 millions, et qu’on ne craint pas de les inscrire pour 1,260 millions dans les budgets actuellement à l’étude. À ce compte, la plus-value annuelle serait de 27 millions, et une dizaine d’années suffiraient pour réaliser le miracle de l’équilibre. C’est ici qu’il faut se défier des illusions et se placer résolument en face des réalités. Les deux causes principales des accroissemens de recettes depuis 1852 ont été des surcharges de taxes et un développement trop souvent artificiel de l’industrie, surexcitée par l’intervention et les sacrifices du gouvernement. Parlons d’abord des taxes. Par un décret de 1852, le droit de détail sur les vins est porté de 10 à 15 pour 100 d’après les prix de vente ; il est en outre surchargé d’un second décime. Qu’en advint-il ? C’est qu’en 1849, sous la république, les consommateurs de la campagne et des petites villes purent boire 7,670,549 hectolitres de vin dans les lieux publics, tandis qu’en 1865 la même clientèle a consommé 1,400,000 hectolitres de moins et payé à l’état 29 millions de plus. Mêmes surtaxes et mêmes résultats pour le cidre. Le droit sur les alcools est porté de 38 fr. à 90, décime compris. Comme la funeste passion des liqueurs fortes est un mal contagieux, le débit est presque doublé, et la recette du trésor monte d’une trentaine de millions à plus de 80. Le poids d’un second décime de guerre est ajouté sur la plupart des antres contributions indirectes. Le gouvernement fait un sacrifice volontaire et intelligent sur les douanes ; mais quelles ressources lui sont offertes par l’enregistrement et le timbre, ces subtils instrumens au moyen desquels on saisit jusqu’aux moindres transactions ! Les innombrables mouvemens de capitaux font surgir de nouveaux élémens imposables ; les titres