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Ici, comme dans la disposition anglaise, l’intervention de l’eau donnait lieu à une perte de chaleur. En général, les inventeurs ont été séduits par ce fait, que l’eau mêlée au pétrole allonge considérablement la flamme ; mais à cause de cela même les gaz de la combustion sont rejetés dans l’atmosphère à une température trop élevée, et une partie du calorique qu’ils contiennent se disperse sans avoir servi à vaporiser l’eau.

Depuis quelque temps, un grand nombre de chaudières à vapeur fixes des pays à pétrole, employées soit à pomper l’huile au fond des puits déjà forés, soit à percer des puits nouveaux, avaient adopté le combustible liquide. Là en effet, même avec des appareils défectueux, l’économie n’est pas douteuse ; le pétrole est recueilli sur place à bas prix, tandis qu’il faut amener la houille de loin à grands frais ou payer l’abatage et le transport du bois dans des forêts profondément ravinées. Sur une locomotive du chemin de fer de Warren à Franklin, chemin qui traverse une partie du comté pétrolifère de Venango, l’on a tenté encore, non sans succès, d’employer le pétrole à la place du charbon. Ce nouvel essai eut lieu pendant le mois de juillet dernier ; le pétrole brûlait à l’état gazeux en se dégageant d’un bec (burner). La grille du foyer était remplacée par une véritable poêle à frire sur laquelle reposaient six réchauffeurs faisant l’office de générateurs à gaz. C’étaient des chambres où l’huile était amenée à ses élémens gazeux pour venir ensuite brûler à l’extrémité du bec placé sous chaque réchauffeur. La flamme était ainsi employée à deux fins : elle servait d’abord à distiller le pétrole, puis à chauffer la chaudière. Il faut être en Amérique et même en pleine oil region pour jouer ainsi avec le feu. Les dangers d’une pareille disposition sont manifestes : c’est absolument, comme on dit en langage familier, mettre le loup dans la bergerie ; mais il faut reconnaître que la forme des locomotives et les nécessités du service des chemins de fer rendent des plus ardues la solution du problème sur ces types de machines.

Le même principe, appliqué plus judicieusement, a guidé les expériences faites dans le port de Boston l’automne dernier à bord d’un vapeur de guerre de l’Union, le Palos. Sur les navires, la liberté des mouvemens est plus grande que sur les locomotives. L’appareil de distillation du pétrole avait donc été placé à une distance du foyer assez considérable pour qu’on n’eût à redouter aucune explosion. Dans ce foyer opérait l’inflammation des gaz. L’eau liquide ou vaporisée avait été bannie avec raison. Une puissante pompe à air insufflait d’une manière continue le gaz combustible d’une part, l’air comburant de l’autre. Tout le système était de l’invention du colonel Foote. D’après les consommations de houille et de pétrole comparées pendant un certain nombre de voyages accomplis autour de la rade de Boston, la commission officielle constata une économie très notable en faveur du pétrole. Depuis les expériences du Palos, le port de Boston a vu les essais d’un bateau à vapeur du commerce, le Island City, chauffé au pétrole par des moyens peu