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forme religieuse que des traditions acceptées de confiance rabaissaient jusqu’au fond des enfers. Parfois elle ressuscite des morts, ou plutôt elle montre comment la postérité se rattache à travers les siècles à des fils rompus sous le poids des intérêts et des tendances d’une époque à peu près oubliée. Par exemple, le temps n’est pas encore loin où l’unitarisme, c’est-à-dire cette doctrine chrétienne qui rejette le dogme orthodoxe de la trinité et nie la divinité absolue du Christ, passait pour une excentricité indigne de l’intérêt des sages, quand elle n’était pas abominée des âmes religieuses comme une monstrueuse impiété. Aujourd’hui la position que l’unitarisme s’est faite en Angleterre et en Amérique, la puissance croissante qu’il prend au sein des églises protestantes du continent européen, où presque partout il a désormais conquis droit de cité, le nombre considérable de catholiques éclairés qui, sans se détacher formellement de l’église de leur enfance, aiment et professent ostensiblement les principes unitaires, les noms de premier ordre que l’unitarisme peut réclamer comme siens, tout a cassé ces jugemens sommaires, tout réclame une appréciation plus équitable d’une des formes les plus épurées, les plus libérales et les plus rationnelles de la religion chrétienne. L’histoire du dogme, qui pourtant n’a pas été faite par des unitaires, justifie ce changement survenu dans l’opinion contemporaine. Elle nous montre qu’en fait l’unitarisme, écrasé au Ve siècle de notre ère sous la prédominance accablante du point de vue et des intérêts catholiques, en état de renaissance lente, mais continue depuis le XVIe siècle, a été à l’origine du christianisme une puissance sérieuse, le plus ancien facteur et l’un des plus importans de la vie de l’église. De tous les reproches qu’on peut lui faire, le plus injuste serait de l’accuser d’être sans antécédens au sein de l’antiquité chrétienne. Nous voudrions en fournir la preuve en nous attachant spécialement à la personne, peu connue et pourtant si intéressante par ce que l’on en sait, de Paul de Samosate, évêque d’Antioche au IIIe siècle, une des premières victimes de l’intolérance cléricale, et dont le nom a été longtemps voué aux gémonies par des historiens qui s’en rapportaient aveuglément aux dénonciations de ses adversaires. Pour bien comprendre la place qu’il occupe dans l’histoire du dogme christologique, il nous faut en premier lieu donner un aperçu rapide de cette histoire depuis les premiers jours de l’église jusqu’à cette seconde moitié du IIIe siècle qui fut signalée par les succès temporaires et la condamnation finale de l’évêque unitaire. Arrivés à sa personne, nous devrons tenir compte de l’état politique de l’Orient, rangé pendant quelques années sous le sceptre d’une femme de génie, Zénobie, l’impératrice de Palmyre, amie et protectrice de Paul. Il y a là tout