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d’octobre. On vit la reine, qui fit comme de coutume le plus gracieux accueil aux opprimés d’Albi. On vit ensuite le roi, mais on ne put cette fois rien obtenir de lui. Les deux partis avaient à la cour même des adhérens également considérables, et Philippe le Bel recevait des uns et des autres des rapports si différens qu’il devait hésiter à conclure. Quand il s’était prononcé contre les ministres de l’inquisition, il avait espéré pacifier le pays, troublé par leurs violences. On lui disait maintenant qu’il avait alors imprudemment encouragé l’audace des hérétiques et causé lui-même des troubles nouveaux. Philippe ne voulait pourtant pas se retourner vers l’inquisition, qu’il n’aimait guère. C’est pourquoi, doutant du parti qu’il devait prendre, il répondit à Bernard, au vidame, aux envoyés des villes, qu’il avait résolu d’aller visiter lui-même son comté de Toulouse, qu’il y serait vers les fêtes de Noël, et qu’il espérait bien jusque-là ne pas recevoir la nouvelle d’autres tumultes. Il ne s’agissait plus que d’attendre un mois environ l’arrêt de sa justice.

Les ambassadeurs se retirèrent satisfaits. La reine leur a promis son assistance. D’ailleurs l’arrivée prochaine du roi ne doit-elle pas avoir pour conséquence nécessaire la confusion de leurs persécuteurs ? Bernard, en quittant la cour, donne quelques instructions aux gens de Carcassonne, et se dirige sur Albi. Il y arrive à cheval, suivi d’un clerc, à cheval comme lui, et va s’établir au couvent de son ordre. Quelques jours après, il convoque dans ce couvent les consuls et les habitans de la ville, et, devant une assemblée d’environ cinq cents personnes, il prononce un discours. Comme on le sait, il vient de Paris et il a vu le roi ; mais voici la grande nouvelle : le roi a promis d’être à Toulouse le jour de Noël. C’est un rendez-vous donné pour de solennelles assises. Assurément les avocats ne manqueront pas à la bonne cause, et ils auront à faire valoir d’irréfutables argumens. Cependant il faut leur venir en aide, et pour cela deux choses sont à faire : d’abord recueillir de l’argent, puisque c’est le nerf de toute procédure, ensuite avertir les populations des villes décimées et les entraîner à Toulouse pour émouvoir le roi, la reine, les jeunes princes par le concert de toutes les douleurs. Tel est le discours de Bernard. Aussitôt et sans hésitation, l’argent est promis : le notaire royal d’Albi, Arnauld Gallinier, enregistre toutes les promesses, et des émissaires vont dans les bourgs voisins préparer la manifestation convenue. Bernard se rend à Castres. Il y arrive le dimanche de l’Avent, et, ayant convoqué vers le soir les habitans de cette ville dans le vieux cimetière des moines de saint Benoît, il les prie d’adhérer à la ligue. Toute la puissance des inquisiteurs tient, s’écrie-t-il, à ce qu’on n’ose pas les combattre. Il faut oser et ne pas s’inquiéter du