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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 75.djvu/843

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nommez-le. Dites au roi : « C’est frère Nicolas, votre confesseur. » Et ajoutez : « Sire, vous ne devez pas croire aux propos de ce traître qui fait connaître aux Flamands tout ce qu’on décide contre eux dans le conseil. » Ces paroles, entendues par une partie de l’assistance, causèrent une vive émotion. Arnauld Garcia les ayant répétées, Guillaume de Plasian lui demanda s’il pouvait fournir la preuve d’une si criminelle trahison. « C’est, dit Bernard, ce que je tiens de maître Jean Lemoine, qui m’a raconté le fait, à moi-même, dans l’église de Sainte-Geneviève. » Il s’agit du cardinal Jean Lemoine, personnage de très grand poids, répandu dans toutes les cours et bien instruit de leurs secrets. S’il s’est vraiment exprimé de cette façon sur le confesseur du roi, l’affaire doit être sérieusement examinée. Elle le fut sans doute, car en l’année 1306 frère Nicolas n’avait plus le titre de confesseur du roi.

Arnauld Garcia ayant achevé son discours en priant le roi de prendre enfin à l’égard de l’inquisition des mesures efficaces, Guillaume Peire de Godin demande la permission de justifier ses confrères, si violemment accusés, et plaide pour Foulques de Saint-George ; mais Gahlard Étienne, juge d’Albi, recommence devant le roi le récit de toutes les actions malhonnêtes reprochées à cet inquisiteur ; il parle de sa vie dissolue, de ses procédures iniques, et, ayant fait succéder à son portrait celui de ses collègues, il se demande en terminant comment le peuple a pu si longtemps supporter ces pestes publiques.

À quelques jours de là, Bernard parut devant le roi, non comme accusateur, mais comme accusé. On avait dit à Philippe le Bel : « Si le pays est troublé, voici l’artisan de tous les troubles, c’est frère Bernard. » Bernard vient donc se défendre devant le conseil du roi, solennellement convoqué. Oui, dit-il, il est l’adversaire déclaré de l’inquisition. À bon droit on allègue que depuis plusieurs années il ne cesse de crier contre elle. Il a même tant crié que sa voix en est devenue rauque. Oui, si la ville de Toulouse est à cette heure remplie de gens venus de toutes parts pour témoigner contre l’inquisition, c’est son ouvrage. Le roi lui-même l’a chargé d’annoncer à tout le peuple d’Albi son arrivée prochaine : il l’a fait, et à cette nouvelle le peuple agité s’est calmé ; mais il vient aujourd’hui, le roi présent, lui demander justice. Ce peuple que l’on représente comme animé des sentimens les plus dangereux se compose de fidèles sujets et d’irréprochables catholiques. Frère Guillaume Peire, provincial des prêcheurs, a dit, il y a peu de jours, devant le roi, qu’on ne trouverait pas un seul hérétique dans tout le Languedoc ailleurs que sur les territoires d’Albi, de Cordes et de Carcassonne, et, faisant ensuite le dénombrement de tous les hérétiques répandus en ces lieux, il en a compté quarante ou