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Ainsi s’exprime Jean XXII, qui sait très bien comment est mort le pape Benoît XI.

L’enquête fut achevée vers le mois de juin 1319, et le 16 juillet Jean XXII chargea l’archevêque de Toulouse, l’évêque de Pamiers et l’évêque de Saint-Papoul de commencer le procès. Bernard fut donc transféré devant ses juges, en Languedoc, sous la garde du sénéchal de Toulouse. On a quelques renseignemens sur ce voyage. Bernard, qui ne peut douter du sort qu’on lui réserve, a déjà le calme d’un condamné. Il cause tranquillement avec le sénéchal et d’autres compagnons de route non sur ses propres affaires, dont il désire plutôt détourner son esprit, mais sur les événemens du jour et ceux des derniers temps. De ces événemens, le plus considérable pour un mineur est l’horrible tragédie de Marseille, terminée le 7 mai 1318 par le supplice de quatre religieux de son ordre. Ils avaient prétendu que des frères mendians doivent imiter autant qu’ils le peuvent la pauvreté du Christ, et, malgré tous les argumens qu’on avait employés pour leur démontrer le contraire, ils avaient persisté dans leur opinion. En conséquence, on les avait brûlés. Bernard, qui était de leur secte, prend chemin faisant leur défense, se déclare contre la sentence qui les a condamnés et les appelle des martyrs. Le trajet de Portet à Toulouse se fit dans une barque, sur la Garonne. Durant cette navigation, Bernard, parlant de l’abbé Joachim, dit qu’il réformerait, s’il était pape, le jugement rendu contre ce saint homme. On tient ces détails des compagnons de route de Bernard, le notaire Arnauld de Nogarède et le juge royal maître Raymond Lecourt, appelés à prouver que l’apologiste passionné de Joachim et des mineurs marseillais est, comme eux, un hérétique.

Le tribunal chargé de prononcer la condamnation de Bernard est assemblé pour la première fois le 3 septembre 1319 à Castelnaudary. Sont présens : Jean Raymond de Comminges, archevêque de Toulouse, Jacques Fournier, évêque de Pamiers, Raymond de Monstuéjols, évêque de Saint-Papoul, les deux nouveaux réformateurs du Languedoc, Raoul, évêque de Laon, et Jean, comte de Forez, l’inquisiteur Jean de Belna, le sénéchal de Toulouse Guyard Guyon, le sénéchal de Carcassonne Aimeri de Cros, et quelques autres ecclésiastiques et seigneurs importans. Cette fois Bernard ne pourra pas se plaindre de la qualité de ses juges. Le sénéchal de Toulouse, s’étant levé, présente les pièces du procès, et Bernard les déclare authentiques. Le sénéchal présente ensuite au nom du pape l’accusé lui-même. Chacun des assistans remplit un rôle quelconque dans la procédure. Après le sénéchal se lèvent les réformateurs, lesquels, au nom du roi, invitent les juges à bien employer leur temps, c’est-à-dire à ne pas laisser l’affaire traîner en longueur.