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supplément d’instruction aux personnes qui tiennent à ne pas oublier ce qu’elles ont appris dans leur jeunesse, et créer, pour ainsi dire, les classes d’adultes des gens du monde ? Le dessein serait louable assurément. Dans un état bien réglé, il ne doit pas se produire un seul désir de s’instruire qui ne puisse être satisfait. Ce désir existe dans les rangs élevés de notre bourgeoisie. Le prodigieux développement des conférences de toute sorte dont nous avons été témoins il y a quatre ans le fait bien voir, et ce qui prouve que, quoiqu’il y entrât un peu de mode, ce n’était pas un caprice d’un jour, c’est que les soirées de la Sorbonne n’ont pas cessé d’attirer du monde. Ces quinze cents personnes qui pendant tout l’hiver s’entassent deux fois par semaine dans cet amphithéâtre incommode, bravant le froid dans la cour et le chaud dans la salle, montrent assez que les classes éclairées, ainsi qu’on les nomme, trouvent qu’elles ne le sont pas assez, et qu’elles éprouvent le besoin d’entendre causer quelquefois de ces questions littéraires et sociales dont elles sont trop distraites par les occupations de la vie. C’est après tout une noble curiosité qu’il faut encourager et satisfaire ; il est même bon de lui accorder plus qu’elle ne demande. Ces conférences isolées, sans liaison entre elles, peuvent plutôt exciter le désir de s’instruire que donner une instruction véritable. C’est un enseignement sans lendemain, qu’il faut transformer, pour qu’il soit utile, en un enseignement régulier et suivi. Je ne vois guère dans les provinces que les professeurs de facultés qui puissent le donner avec fruit. Je serais donc moins contraire que M. Renan à les voir conserver ces cours du soir où se rendent les gens du monde ; mais évidemment ce n’est pas pour cela que les facultés ont été faites. Quelque élevé que soit le plaisir d’entendre bien parler de littérature et d’histoire, l’état ne les a pas créées uniquement pour le satisfaire. Il a prétendu instituer des écoles et non des académies ; il les destinait à avoir pour auditeurs des élèves véritables et non des curieux et des oisifs.

Ce sont précisément ces élèves qui font défaut, et l’on ne sait où les prendre. En Angleterre et en Allemagne, la jeunesse des universités se compose, en dehors des avocats et des médecins, de ceux qui se destinent à l’état ecclésiastique ou à l’enseignement. Ceux-là suivent naturellement les cours de la faculté des arts. Un clergyman, un professeur, ont besoin de connaître à fond les lettres anciennes et les langues savantes. Voilà des auditeurs tout trouvés pour les cours de philologie et de littérature. Chez nous, les professeurs se forment à l’École normale, les prêtres sont enfermés dans leurs séminaires, et ils ont une telle horreur pour l’enseignement de l’état que même les facultés de théologie, pour avoir accepté ce