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S’il y est véritablement disposé, il faut le féliciter et nous réjouir d’un changement auquel on ne devait peut-être pas s’attendre après le Syllabus.

Nous devons pourtant avouer que, si les partisans de la liberté d’enseignement sont sincères, ils ne se piquent pas d’être conséquens. Par exemple, on a beaucoup de peine à démêler les sentimens véritables de quelques-uns de ceux qui l’ont appuyée au sénat. Décréter que l’enseignement supérieur est libre, c’est dire qu’on pourra parler d’économie politique, de philosophie, de droit constitutionnel, d’histoire, de religion, comme on voudra. Une telle libéralité n’est guère dans l’esprit des lois qui nous régissent, ni du goût de ceux que la constitution a faits les gardiens de ces lois. Aussi ne doit-on pas être surpris que la liberté d’enseignement n’ait obtenu au sénat que 31 voix pour elle ; mais ce qui confond, c’est de voir que la plupart des partisans de cette liberté soient précisément les adversaires les plus résolus de toutes les autres. Comment se fait-il que ceux-là mêmes qui huit jours auparavant proposaient de donner à tous les citoyens le droit de se rassembler pour entendre parler de religion et de politique aient paru si alarmés de la loi sur les réunions, qui ne permet de se réunir que pour causer de choses indifférentes ? Par quel miracle d’inconséquence peuvent-ils être à la fois si effrayés de la parole et si désireux de l’accorder à tout le monde ? En les voyant si peu logiques, on pouvait bien les soupçonner de n’être pas tout à fait sincères.

Ce qui est certain dans tous les cas, ce qu’on peut affirmer hautement, c’est que l’Université n’est pas contraire à la liberté de l’enseignement supérieur. Il ne faut pas qu’il y ait de malentendu possible, et il est de son honneur qu’on sache ce qu’elle pense. Si quelqu’un refuse en ce moment de rendre l’enseignement supérieur libre, c’est le gouvernement ; il lui paraît dangereux de donner la parole à toutes les opinions religieuses et sociales, de leur permettre de se formuler, de se répandre au grand jour, d’essayer sur la jeunesse ou l’âge mûr l’attrait des théories nouvelles et des systèmes aventureux. On peut trouver sans doute qu’il a tort, qu’imposer silence aux opinions n’est pas le moyen de les désarmer, que l’obscurité convient aux idées déraisonnables comme à certaines plantes malsaines et les aide à se propager ; mais, je le répète, c’est lui, c’est lui seul qui résiste. L’opposition qu’il fait à la liberté de l’enseignement supérieur est toute politique ; l’Université n’est pour rien dans ses résistances. Il est donc injuste de ramasser contre elle d’anciens reproches et des injures vieillies. Ce n’est pas la guerre de 1840 qui recommence, comme on le dit ; les circonstances sont changées. Je ne crois pas que, pour ceux qui connaissent