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ses mémoires de quelle façon il s’y serait pris pour mener à bien une tâche si extraordinaire. Ses confidens n’ont rien appris de lui à ce sujet. Il a préféré emporter dans la tombe son incompréhensible secret ; mais, grâce à Dieu, il n’est que faire de ces révélations posthumes toujours un peu suspectes. La correspondance de Napoléon Ier, officiellement publiée par son successeur, et l’étude attentive des actes qu’elle révèle presque à chaque page suffisent et au-delà pour se rendre compte des procédés qu’il a mis en usage afin d’accomplir une partie restreinte et relativement moins ardue de son plan, celle qui consistait à se rendre d’abord maître de la conscience religieuse de ses sujets catholiques ; par là nos lecteurs pourront juger du sort qu’il réservait un jour à ceux qui étaient nés hors des frontières de son immense empire. Ces procédés n’auront, hélas ! rien de nouveau pour eux. Beaucoup d’habileté, l’emploi fréquent de la ruse et, quand la ruse avait échoué, le recours immédiat à la violence avaient été jusqu’alors les moyens habituels d’action de l’empereur ; les ayant avec tant de succès appliqués au maniement des choses humaines, il ne lui répugnait à aucun degré de les transporter dans la direction des affaires religieuses. C’étaient ses armes naturelles et ses véritables instrumens de règne. En réalité, il n’en admettait pas d’autres. Cependant, comme, avant de s’en servir pour imposer ses volontés en France aux évêques dû concile national de 1811, il en fit un premier essai sur le clergé des états romains, il nous faut, suivant en cela l’ordre des temps, dire quelques mots de ce qui se passa dans les états pontificaux après l’enlèvement du pape.


II

Quand on parle des contrées étrangères soumises pendant la durée du régime impérial à l’administration française, il y a lieu de distinguer entre celles dont Napoléon prit possession à titre de conquêtes provisoires, avec l’intention d’en tirer immédiatement tout le parti possible, sauf à les échanger plus tard, et celles qu’il avait au contraire dessein d’annexer définitivement à la France. Autant fut dure et parfois tyrannique l’autorité militaire établie dans les pays qui devaient faire retour à nos ennemis, autant l’ordre et la régularité, tempérés le plus souvent par une certaine douceur de commandement et par le soin intelligent des intérêts locaux, signalèrent le gouvernement civil institué dans les nouvelles provinces de l’empire que Napoléon s’étudiait à rendre aussi françaises que possible. A coup sûr, ni la bonne volonté du souverain ni les talens de ses préfets ne suffirent alors à rendre leur ancienne prospérité à Gênes, à Anvers, à toutes les grandes cités, commerciales