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se rendre agréable à ses nouveaux sujets. Cette fois c’était M. Regnault de Saint-Jean d’Angely qui parlait en son nom au sénat. « Que fera Napoléon, disait l’orateur du gouvernement, de cet ancien patrimoine des césars ? L’histoire l’indique, la politique le conseille, le génie le décide. L’empereur réparera les fautes de la faiblesse ; il rassemblera les parties trop longtemps séparées de l’empire d’Occident ; il régnera sur le Tibre comme sur la Seine. Il fera de Rome, naguère chef-lieu d’un petit état, une des capitales du grand empire… Quant à Rome, cette cité fameuse où vivent tant de souvenirs divers, qui fut le siège de tant de gloire, le théâtre de tant de maux, sans doute elle a craint un moment de descendre du rang moral où dans ses illusions elle se croyait encore placée. Elle remontera cependant plus haut qu’elle n’a été depuis le dernier des césars. Elle sera la sœur de la ville chérie de Napoléon. Il s’abstint aux premiers jours de sa gloire d’y entrer en vainqueur, il se réserve d’y paraître en père. Il veut y faire une seconde fois placer sur sa tête la couronne de Charlemagne. Il veut que l’héritier de cette couronne porte le titre de roi de Rome, qu’un prince y tienne la cour impériale, y exerce un pouvoir protecteur, y répande ses bienfaits, en y renouvelant la splendeur des arts…[1]. »

Napoléon ne s’en tint pas d’ailleurs à de vaines paroles. Sans réaliser tout à fait ce qu’il y avait peut-être d’un peu trop pompeux et de volontairement illusoire dans ces retentissantes promesses, l’empereur ne cessa pourtant jamais, durant les courtes années qui précédèrent la campagne de Russie, de porter sur les départemens nouvellement fondés de Rome et du Trasimène ce regard attentif qu’avec une sagacité pénétrante il promenait incessamment jusque sur les parties les plus reculées de son empire. Il semble même qu’il ait pris soin de s’occuper avec une prédilection particulière des intérêts de la ville fameuse qu’il n’avait enlevée à ses antiques souverains que pour en faire l’apanage de l’héritier présomptif de sa couronne. En souverain très ordonné qu’il était, attachant avant tout avec raison le plus grand prix à la parfaite régularité des finances, il avait commencé par demander au duc de Gaëte de lui préparer un projet de budget général pour la ville de Rome et pour les états romains. Les instructions de l’empereur donnaient clairement à entendre que, ces provinces étant maintenant devenues sa possession, il ne regarderait plus à faire ce qui serait nécessaire pour en mettre les finances sur le meilleur pied[2] ; « c’était même son intention que les états romains

  1. Exposé des motifs du senatus-consulte sur la réunion des états de Rome à l’empire, 17 février 1810. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XX, p. 222 et suiv.
  2. Lettre de l’empereur au duc de Gaëte, ministre des finances, 19 décembre 1809. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XX, p. 80.