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voyage qu’au printemps de 1810 il était allé faire avec l’impératrice Marie-Louise en Belgique et sur les bords du Rhin, n’avait pas perdu une seule occasion de s’adresser aux curés catholiques de ces contrées. Il les avait entretenus de ses différends avec le saint-père, et leur avait signifié en termes fort clairs la façon dont il entendait que les membres du clergé se comportassent dans ses états. Les échantillons de ces sortes d’instructions pastorales qu’il faisait tout en se promenant dans ses provinces nouvellement conquises sont curieuses à connaître, et nos lecteurs nous sauront gré de les mettre en partie sous leurs yeux. A Bréda, il avait trouvé fort mauvais que les chanoines du chapitre et les prêtres des diverses paroisses ne se fussent pas présentés devant lui en grande tenue. Il les avait assez mal reçus ; puis, après les avoir vertement réprimandés de ce qu’il appelait une inconvenance et un manque de respect à sa personne :


« Vous vous plaignez, s’écria-t-il, des oppressions que vous avez souffertes sous l’ancien gouvernement de ce pays ; mais vous montrez que vous les avez bien méritées. A présent un prince catholique vient régner sur vous, et le premier acte d’autorité que j’aie dû exécuter a été de faire arrêter à Bois-le-Duc deux de vos curés réfractaires, même votre vicaire apostolique. Je les ai fait emprisonner et je les punirai. Une poignée de Brabançons fanatiques voudrait s’opposer à mes doctrines ? Imbéciles que vous êtes ! si je n’avais pas trouvé dans la doctrine de Bossuet et dans les maximes de l’église gallicane des principes qui sont analogues aux miens, si le concordat n’était pas adopté, je me serais fait protestant, et 30 millions de Français auraient suivi le lendemain mon exemple ; mais vous autres, ignorans que vous êtes, quelle religion enseignez-vous ? Connaissez-vous bien les principes de l’Évangile qui dit : o Rendez à César ce qui est à César… » Et le pape, et vous autres, vous voudriez vous mêler des affaires de mon gouvernement !… Oh ! je porte des papiers dans ma poche (en frappant sur sa poche), et si vous persistez dans vos maximes, vous serez malheureux ici-bas et damnés dans l’autre monde[1]. »


Quelques jours plus tard, l’empereur traversait une seconde fois la Belgique pour retourner en France. Recevant le clergé du département de la Dyle, il lui adressait une allocution du même style, et qui a reçu une sorte de consécration officielle par son insertion dans la correspondance de Napoléon Ier.


« J’aurai tous les égards, disait-il, pour le pape ; je le reconnaîtrai

  1. Détail de ce qui s’est passé à l’audience que Napoléon donna à Bréda le 6 mars 1810 dans la salle du barreau de la cour de justice. — Inséré dans le recueil des pièces officielles de M. Schoell, et reproduit par le Journal des Débats du 26 août 1814.