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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 75.djvu/953

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Écrivez au consul Morand pour que tous ces prêtres soient débarqués à Bastia et réunis tous sur un seul point[1]. » En ne prenant que les arrestations qu’il avait daigné ordonner de sa propre main, en nous renfermant dans la seule Italie, et sans mentionner celles probablement plus nombreuses qui là et ailleurs ont pu être décrétées par les autorités locales et que Napoléon n’aura eu qu’à approuver sans les décréter lui-même, nous voilà bien loin déjà de ce chiffre de cinquante-trois prêtres si arbitrairement consigné dans les mémoires de Sainte-Hélène.

En résumé, à parler uniquement des affaires religieuses de l’Italie, qui ont fait l’objet de la présente étude et dont l’empereur se trouvait avoir assumé la haute direction depuis la promulgation du sénatus-consulte du 17 février 1810, voici à quels résultats pour ainsi dire matériels il était arrivé. Il y avait treize cardinaux italiens dépouillés des insignes de leurs dignités qui étaient retenus dans quelques-unes de nos villes de province, sous la surveillance immédiate de la police impériale. Dix-neuf évêques des états romains avaient été expédiés de Rome en France sous escorte de gendarmes pour y vivre dans les mêmes conditions. De semblables mesures avaient atteint une foule de chanoines et de grands-vicaires dont le nombre est difficile à fixer, et plus de deux cents prêtres avaient été déportés en Corse. Tel est au bout d’une seule année, et fourni par lui-même, le bilan exact de l’immixtion du chef de l’empire dans le gouvernement de l’église d’Italie. Prochainement nous allons le voir mettre également la main aux affaires de l’église de France, et, là comme de l’autre côté des monts, les mêmes causes produiront immédiatement les mêmes effets. La scène seule sera déplacée. La logique des choses dominera encore les événemens ; quant à l’homme, il ne sera nullement changé. Rien ne pouvait en effet le modifier, pas même l’échec qu’il venait d’essuyer. Après avoir débuté à Paris comme à Rome avec une espèce de modération relative, nous le surprendrons s’armant vite de ruses, recourant à ses moyens favoris de captation, puis, quand la ruse et la captation ont échoué, revenant plus vite encore, par une sorte de pente inévitable, aux violences contre les personnes.


D’HAUSSONVILLE.

  1. Lettre de l’empereur à M. le comte Bigot de Préameneu, 2 mars 1811. — Cette lettre n’est pas insérée dans la Correspondance de Napoléon Ier.