département, qui n’était lui-même que la commune agrandie, de sorte que son jugement n’était encore que celui des habitans porté au second degré sur les affaires locales. En cela, rien n’était demandé au pouvoir central. Le département, à son tour, n’était soumis à ce pouvoir pour ses propres affaires que dans des cas peu nombreux et bien déterminés. Cette organisation administrative a été très diversement appréciée. Pour les partisans de l’ancien régime, elle constituait une puissance anarchique rivale du pouvoir. « Il fallait achever de renverser l’ancien gouvernement, a dit Ferrières : l’abbé Sieyès conçut un plan qui parut propre à concilier les vues des révolutionnaires ; Thouret se chargea de le présenter. » D’autres, en assez grand nombre aujourd’hui, reprochent à l’assemblée constituante d’avoir enlevé aux départemens leur vigoureuse autonomie d’autrefois, et par là d’avoir maladroitement préparé le triomphe définitif de la centralisation. Entre les deux points de vue, la contradiction est manifeste. Les uns étaient trop près, les autres sont beaucoup trop loin de l’assemblée, qui chercha loyalement à équilibrer la décentralisation administrative et la centralisation politique, pour employer la formule moderne. Tout en enlevant aux assemblées départementales certaines prérogatives des anciens états provinciaux, prérogatives qui en avaient fait des corps aristocratiques et indisciplinés, elle leur laissait une grande latitude sur les questions d’administration intérieure. « Toutes les provinces, avait dit Thouret au nom du comité de constitution, sont maintenant réunies en droits et en intentions : elles avaient dît se créer des corps assez puissans pour résister à l’oppression ministérielle ; mais à présent ne rendons pas ces corps aussi forts. Élus par le peuple, leurs membres acquerront une trop grande prépondérance pour qu’on ne doive pas redouter une force que ces établissemens tireraient de leur masse. » La Belgique a eu fort peu de chose à changer à cette combinaison pour en faire la base de son régime administratif, le plus libéral et le mieux pondéré qu’il y ait en Europe. C’est là que doivent porter leurs regards ceux qui recherchent aujourd’hui la trace des conceptions de l’assemblée constituante.
Chez nous, le pouvoir absolu s’est empressé de porter la main sur ce flexible mécanisme et l’a faussé. Les départemens et les communes ont été soumis à des pressions qui y ont empêché le développement de la vie politique. L’institution des préfets et des sous-préfets a créé entre le pouvoir exécutif et les corps délibérans chargés de veiller aux intérêts locaux un antagonisme que les lois les plus ingénieuses ont essayé d’adoucir, mais qui ne s’est effacé qu’au détriment de la liberté du département et de la commune. En face d’une autorité qui dirige, leurs mouvemens, l’un et l’autre ont perdu toute initiative. C’est là qu’est le vice de la machine