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une si grande révolution dans les usages des peuples de l’Europe, n’est due à aucune race conquérante ; ce métal pénètre peu à peu, surtout à l’aide de moyens commerciaux dont M. Alexandre Bertrand a signalé le double courant, et qu’il attribue à l’influence des Couschites, dès lors riches d’inventions industrielles. Les transmissions par voie d’échange sont encore employées dans le centre de l’Afrique, où des séries d’intermédiaires se passent de main en main des objets qui pénètrent ainsi jusque dans les profondeurs du continent.

Une question relative aux tendances morales des populations de l’âge de pierre a été quelquefois soulevée ; c’est celle de leur anthropophagie, tour à tour affirmée par les uns, contestée ou niée par les autres. Deux jeunes savans ont récemment soutenu qu’elles se nourrissaient parfois de chair humaine, et les preuves qu’ils apportent sont assez sérieuses pour que nous soyons tenté d’en dire quelques mots. L’un d’eux, M. Marion a observé le premier des vestiges de l’âge du renne en Provence. La race qui vivait alors dans cette contrée est très peu connue ; elle possédait quelques caractères en commun avec celles du nord et du centre, particulièrement l’usure des molaires, l’épaisseur des parois du crâne, la taille inférieure à la moyenne. Ce qui a attiré l’attention de M. Marion dans l’examen de la station de Saint-Marc, près d’Aix, c’est que les débris humains, mêlés à des restes de foyer et eux-mêmes calcinés en partie, étaient tous brisés ou entaillés de main d’homme de façon a faciliter l’extraction des parties molles ; les fragmens de crâne sont petits, anguleux et à arêtes vives ; les os longs ont été fendus suivant un procédé bien connu et appliqué à ceux des animaux. Il y avait là les restes d’au moins six individus tous jeunes ou à peine adultes, et rien n’y révèle une sépulture. M. Garrigou dans une notice récente a publié des faits analogues, observés dans l’Ariège, et, selon lui, ils se seraient prolongés jusque dans l’âge de la pierre polie. C’est à ce même âge de la pierre polie qu’appartient la caverne de Lombrives, d’où M. Garrigou a extrait plusieurs crânes remarquables par la beauté de la conservation et le caractère tranché qu’ils présentent. L’usure de la surface triturante des dents se montre la même que dans les crânes de Belgique ; mais M. Vogt, qui a eu ces têtes entre les mains, est porté à voir dans cette particularité un résultat du mode d’alimentation plutôt qu’un caractère de race. Il s’accorde du reste avec M. Broca pour reconnaître le type basque dans ces crânes, visiblement dolichocéphales, et plus analogues à ceux des races aryennes qu’aucun de ceux’ dont il a été question jusqu’ici. Il est vrai que M. Broca distingue deux types de dolichocéphalie, dépendant du