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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 76.djvu/108

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saint-père était porté en triomphe au milieu de ses gardes. Saint Pierre ébahi demande à un prêtre du cortège : « Mon bon ami, quel est donc cet homme-là? » Le prêtre répond à sa question. Surprise nouvelle de l’apôtre, surtout quand il apprend que ce prince est son successeur. « Ma foi, dit-il, je ne me rappelle plus très bien si je suis venu jadis à Rome; mais, si j’y suis entré dans un pareil équipage, voilà ce que j’ai complètement oublié. » La parabole de l’enfant prodigue servit aussi à un certain Waldis, moine de Riga converti aux idées nouvelles, pour prêcher sous une forme dramatique la doctrine protestante du salut gratuit moyennant la foi dans la miséricorde divine par opposition au salut par les œuvres. En Écosse, en Angleterre, en Allemagne, des faits analogues se produisirent. En France, des pièces allégoriques hostiles à l’église romaine furent jouées à La Rochelle devant le roi et la reine de Navarre en 1551. Dans un drame religieux, très goûté de Théodore de Bèze et intitulé le Sacrifice d’Abraham, Satan se présente affublé d’un capuchon de moine, et la vie monastique est fort maltraitée. Le protestant Desmazures composa ses Tragédies sainctes sous l’inspiration du calvinisme; mais il nous faut parler d’un singulier problème historique dont la solution n’est pas facile à trouver. Il existe à Munich dans la bibliothèque royale un livre imprimé en 1524, et dont le titre, en vieil allemand, veut dire : Comédie jouée à Paris dans la salle du roi, comme si la pièce eût été représentée devant François Ier lui-même. On y voit le pape assis sur son trône au milieu de ses grands dignitaires; au centre de la salle s’élève un grand brasier à la mode italienne, rempli de charbons allumés, mais tout couvert de cendre. Un vénérable vieillard du nom de Reuchlin parle contre le luxe et les abus de l’église dominante, puis écarte légèrement les cendres, de sorte que le feu se rallume un peu. Arrive Érasme, qui veut mettre des emplâtres sur les plaies de l’église, mais qui ne veut pas toucher au feu de peur de s’y brûler les doigts, ce qui lui vaut de grands éloges de la part des cardinaux. Il est suivi par Ulrich de Hutten, armé de pied en cap et vociférant l’injure contre le pape et l’église romaine. Il disperse les cendres, dirige sur le charbon le tout d’un gros soufflet, et rallume si bien le feu que toute l’assistance est épouvantée. Ulrich, trop violent, tombe mort dans un accès de rage. La joie revient au cœur des cardinaux un moment effrayés, et ils ne demanderaient pas mieux que de voir le feu s’éteindre de nouveau, quand arrive un moine à l’aspect assez folâtre, chargé d’un gros fagot, et qui le jette sur les charbons en s’écriant : « Si la cause du Christ a le dessous, je saurai la relever malgré vous moyennant la grâce de Dieu, car je veux que ce feu qui brûle à peine flambe au point d’illuminer le monde. » Ce moine est Lu-