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temps que cette découverte commençait à prendre place dans la science, l’observation anatomique venait la corroborer. On constatait qu’il existe dans certains organes et particulièrement dans les glandes une double communication entre les artères et les veines; l’une consiste dans les capillaires proprement dits, l’autre est formée par de petites artères qui viennent s’inosculer directement avec les veines. M. Claude Bernard montrait que ce sont ces dernières artérioles qui, sous l’influence des nerfs, peuvent modifier profondément les circulations locales sans que la circulation générale, assurée par les capillaires, ait à en souffrir. Les actions nerveuses dites vaso-motrices qui règlent ainsi la circulation sont des actions réflexes qui ont leur origine, tantôt à la surface de la peau et des membranes muqueuses, tantôt à la surface interne du cœur ou même dans la profondeur des tissus. Ce mécanisme se prête aux réactions mutuelles des organes les uns sur les autres et à une sorte de balancement dans les fonctions de la vie.

On trouve un exemple important de ces réactions organiques dans un des mémoires qui ont valu récemment à M. Cyon le grand prix de physiologie expérimentale décerné par l’Académie des Sciences pour l’année 1867[1]. M. Cyon a montré le rôle que joue un nerf spécial qui, parti de la région supérieure du cou, vient s’épanouir dans la substance du cœur. Ce nerf, quand il est excité, produit par une action réflexe la paralysie des nerfs vaso-moteurs, et amène ainsi, par la dilatation des artères périphériques, une diminution dans la pression du sang. Cette excitation, dont l’effet réflexe détermine une paralysie musculaire, est un de ces phénomènes dont la physiologie n’est point en mesure de donner l’explication précise. L’indication fournie par M. Cyon n’en est que plus précieuse, car, ainsi que l’a fait remarquer le rapporteur de l’Académie, « ce sont toujours les faits inexpliqués qui recèlent les germes des vérités scientifiques de l’avenir. » Quelle que soit la manière dont se propage l’action de ce nerf auquel M. Cyon a donné le nom de nerf dépresseur de la circulation, il est certain que le cœur y trouve un instrument pour régler le cours du sang. Si la sensibilité des parois du cœur est excitée par une trop grande abondance de sang, une action réflexe énergique va dilater les vaisseaux capillaires et attirer le sang à la périphérie. Si au contraire la sensibilité interne du cœur est trop faiblement excitée, les vaisseaux périphériques se resserrent et refoulent le sang vers la région cardiaque. C’est une sorte de mécanisme compensateur qui maintient la circulation dans des conditions normales.

  1. De l’Action réflexe d’un des nerfs sensibles du cœur sur les nerfs moteurs des vaisseaux sanguins.