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Si nous en venons maintenant à considérer la génération proprement dite, nous constatons que les êtres supérieurs proviennent tout entiers d’un élément spécial, d’un œuf, d’une cellule ovarique qui offre ce caractère tout à fait nouveau de contenir en elle-même tous les termes d’une évolution périodique. Cette propriété évolutive à longue portée, cette espèce de devenir qui est dans l’œuf constitue à coup sûr un des phénomènes les plus merveilleux de la physiologie. Voilà un élément anatomique qui jouit d’une propriété bien caractéristique, celle de contenir intrinsèquement une série de développemens futurs. Ici, sur cette question de l’œuf, du germe, nous rencontrons une controverse qui a passionné dans ces dernières années le monde savant et le public. Le germe provient-il toujours d’une génération héréditaire, ou peut-il dans certains cas se former spontanément? Telle est la question qui, déjà bien anciennement agitée et soulevée de nouveau par des travaux récens, a donné lieu aux débats les plus animés. M. Pouchet, soutenu par un très petit groupe de naturalistes, a défendu avec beaucoup de vigueur la cause de la génération spontanée ou hétérogénie. M. Pasteur a été le principal champion de l’opinion contraire, qui avait pour elle la grande majorité des physiologistes. Les épreuves diverses qui ont été instituées dans cette mémorable querelle ont-elles tranché la question expérimentale? Il nous semble qu’aucun résultat décisif n’a été produit de part ni d’autre. La polémique soulevée par M. Pouchet a provoqué de sérieuses études sur les microzoaires; il en est sorti toute une moisson de faits nouveaux et curieux, mais on ne peut pas dire que le fond de la querelle en ait été éclairé. Les adversaires restent les uns et les autres cantonnés dans leurs opinions contradictoires. Des hétérogénistes enferment une infusion dans une cornue; ils ont fait préalablement tous leurs efforts pour détruire les germes qui pouvaient se trouver soit dans l’infusion, soit dans l’air de la cornue; ils voient bientôt naître des microzoaires. « Voilà, disent-ils, des animaux nés sans germes, ou du moins le germe s’est formé de lui-même, indépendamment de toute hérédité. — Non pas, répondent leurs adversaires, les germes héréditaires existaient dans l’air, et ce que vous nous montrez prouve que vos efforts pour les tuer ont été insuffisans. » M. Pasteur et ses partisans font de leur côté les mêmes expériences. Ils tuent les germes et montrent dans leurs ballons des infusions infécondes. « Vous le voyez, disent-ils, les germes héréditaires étant détruits, aucun être vivant ne prend naissance. — Fort bien, leur dit-on dans le camp opposé; mais êtes-vous certains, en même temps que vous détruisiez les germes, de n’avoir pas supprimé quelque condition indispensable à la vie des infusoires qui devaient naître