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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 76.djvu/183

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saient les forêts, y faisaient des battues, et très souvent tuaient les gardes qui voulaient s’y opposer ; les soldats mêmes de la maison du roi ne se faisaient pas faute de s’emparer de son gibier, et l’on vit aussi les officiers des chasses favoriser ces déprédations en prêtant aux braconniers les casaques et les livrées des gens de sa majesté, afin qu’ils pussent chasser avec plus de sécurité.

C’est pendant la période comprise entre l’avènement de Louis XII et la révolution française que l’art de chasser atteint son apogée. Par sa hardiesse et son courage, François Ier mérita le titre de père des veneurs ; plus d’une fois il courut le risque de la vie en combattant corps à corps les sangliers enfermés dans des toiles ; un jour même il fut enlevé de sa selle par un cerf qui le lança par terre sans qu’il trahît la moindre émotion. Insensible à la fatigue comme aux intempéries, ce monarque ne se laissait jamais arrêter par le froid, la pluie ou le vent, et, surpris par la nuit, il allait chercher un gîte dans les plus misérables cabanes. Ses équipages surpassaient en magnificence tout ce qu’on avait vu jusque-là, et lui coûtaient plus de 150,000 écus. Ce fut pour la chasse qu’il fit construire le château de Madrid au bois de Boulogne, ceux de Chambord, de Villers-Cotterets, de Folembray et de Fontainebleau.

Ses successeurs partagèrent les mêmes goûts ; mais Charles IX mérite une mention spéciale, moins comme chasseur que comme auteur du livre intitulé la Chasse royale, qui malheureusement ne fut pas terminé. Quelques années auparavant, en 1560, Jacques du Fouilloux avait publié son fameux Traité de la vénerie, qui mérita le nom de Bible des veneurs. On y trouve exposés avec l’autorité d’un chasseur émérite les principes de la science, la manière de juger les animaux, — les uns, comme les cerfs, par le pelage, la tête, le pied, les fumées, les portées, les foulées, les abattures, le frayoir, — les autres, comme les sangliers, par le pied, les boutis, le souil, — le système d’éducation et d’hygiène des chiens, la façon de faire le bois et de servir (tuer) un cerf ou un sanglier sur ses fins, en un mot toutes les règles connues alors, et dont plusieurs sont venues jusqu’à nous. Ce fut lui aussi qui fixa le langage de la vénerie, dont la plupart des expressions, encore employées aujourd’hui, dataient déjà du XIIIe siècle. Abondant, expressif, pittoresque, ce langage a été adopté par tous les pays qui nous ont emprunté l’art de la vénerie.

L’éducation virile que reçut Henri IV était parfaitement propre à développer en lui le goût de la chasse ; aussi s’y adonna-t-il avec passion, et l’on trouve dans les recueils d’anecdotes de nombreux récits d’aventures auxquelles il fut exposé pendant ses expéditions. Le personnel de ses équipages se composait de 131 lieutenans.