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planche qui fait bascule, et qui, alourdie par une pierre, retomba sur l’animal lorsque celui-ci vient à toucher une fiche de bois qui la maintenait levée. Un garde peut prendre ainsi un grand nombre de bêtes nuisibles sans se donner d’autre peine que celle de visiter tous les matins ses assommoirs et de tendre ceux qui sont tombés.

Ce n’est pas tout que d’avoir du gibier, il faut encore que celui-ci trouve à se nourrir. Or, quoi qu’on fasse, il ne peut chercher sa nourriture que dans la forêt ou dans la plaine ; c’est donc aux dépens des récoltes ou aux dépens des bois qu’il doit vivre. Les cerfs, les lièvres et les lapins vont généralement pâturer en plaine pendant la nuit et rentrent au bois le matin. L’importance des dommages qu’ils causent est telle que les riverains ne peuvent les supporter, et que chaque année ils forment des demandes d’indemnités qui, si elles ne sont pas accueillies, sont réglées à dire d’experts par le juge de paix. Dans certains pays, ces demandes sont devenues l’objet d’une véritable spéculation. Il arrive en effet très souvent que les riverains, sachant que la partie de leur champ la plus voisine du bois est destinée à être dévastée, s’abstiennent de la fumer et de l’ensemencer, et réclament néanmoins l’indemnité comme si la récolte avait été complète ; d’autres fois ils cultivent le long des bois des légumes ou des plantes maraîchères que le sol ne comporte pas, et se font payer des fruits qui n’auraient pas poussé, ce qui est un moyen commode et assuré de les vendre. Les choses en sont arrivées au point que dans plusieurs localités les terres voisines des forêts se louent et s’achètent plus cher que les autres, précisément en vue des indemnités pécuniaires qu’elles rapportent de cette façon. Tout en se montrant aussi large que possible dans l’évaluation des dommages causés, il importe cependant de résister à de pareilles exigences, et il serait à désirer que les tribunaux se montrassent parfois plus difficiles dans l’admission des preuves et les dires des experts, qui trop souvent sont de connivence avec les cultivateurs. Les indemnités payées par l’administration de la liste civile ne s’élèvent pas annuellement à moins de 200,000 fr. Dans les forêts de Chantilly et d’Ermenonville, formant ensemble un massif d’environ 12,000 hectares, elles atteignent 50,000 fr.

Ces chiffres ne comprennent que les dommages causés aux riverains ; ils seraient beaucoup plus élevés, si l’on faisait entrer en ligne de compte ceux que supporte la forêt. À moins qu’ils ne soient très nombreux, les dégâts du fauve ne sont pas irréparables ; ils consistent dans l’écorcement de quelques arbres par le frottement de la tête contre les tiges et dans l’abroutissement des jeunes taillis. Ces dommages retardent la croissance du bois et occasionnent la perte d’une pousse ou deux, en général ils ne font pas périr les ar-