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aux Hellènes par des liens qui devinrent intimes en Épire. Ce peuple étant encore représenté de nos jours par les Albanais, on a pu remonter à son origine; mais il a été impossible de reconstruire la généalogie des Thraces. Cette population mystérieuse, qui semble avoir eu peu d’aptitude pour la civilisation, a, malgré sa farouche bravoure, subi avec la même facilité, tant les divisions intérieures la paralysaient, la domination de la Perse, de la Macédoine, de Rome et de Byzance. Les Daces étaient déjà latinisés complètement lorsque les Slaves, franchissant le Danube, effacèrent ce qui pouvait subsister de la nationalité thrace, et refoulèrent les Illyriens et les Hellènes vers le sud de la péninsule. Les Serbes et les Bulgares, qui occupent maintenant le territoire des Illyriens septentrionaux et des Thraces, ne sont point, comme on le croit généralement, une population en tout semblable. Si les Serbes ont toujours été et sont encore une nation purement slave, les Bulgares appartenaient primitivement, non, pas à la race aryenne, mais à la race touranienne. Les Finnois, leurs ancêtres, qui se nomment eux-mêmes Souomalaines, et que les Russes appellent Tchoudes, se divisent en quatre groupes, le groupe ougre, le groupe permien, le groupe bulgare et le groupe finnois proprement dit. Cette population, d’abord nomade et plus tard essentiellement agricole, descendit de l’Altaï à une époque inconnue, traversa l’Oural et se répandit en Europe, où les Hellènes paraissent leur avoir donné le nom de Scythes, nation qu’ils distinguaient soigneusement des Sarmates.

Une fraction de la race finnoise, les Voulgares ou Bulgares, venue du fond de l’Asie septentrionale, occupait dans la Russie actuelle le pays que les auteurs byzantins nommaient tantôt Grande-Bulgarie, tantôt Bulgarie-Noire. Les Occidentaux se servaient aussi des mêmes expressions, et Rubruk dit que l’Itil (le Boulga ou Volga, l’Itel ou Athil des Tartares, l’Atal de Théophane), « grand fleuve, très profond et quatre fois plus large que la Seine, vient de la Grande-Bulgarie, » et ce moine voyageur ajoute que » de cette Grande-Bulgarie sortirent les Bulgares, qui sont au-delà du Danube, du côté de Constantinople[1]. » Les Bulgares, chassés des bords du Volga par d’autres barbares, s’avancèrent vers la Mer-Noire et la mer d’Azof, et à la fin du Ve siècle ils firent pour la première fois des excursions au sud du vaste fleuve. Les Romei (à cette époque, le latin était encore la langue officielle de Byzance) éprouvèrent à leur approche la terreur que les Aryas de l’Iran res-

  1. Itinéraire de G. de Bubruk dans les pays orientaux, p. 204 et 275, édition de la Société de géographie de France.