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gares prirent une éclatante revanche sous les ordres de Samuel, fils du voïvode Sisman, chef de l’insurrection de 976. Samuel se substitua aux héritiers de Siméon, et poussa ses expéditions victorieuses jusqu’au cœur du Péloponèse; mais lorsque l’énergique et impitoyable Basile II eut succédé à Zimiscès, la fortune se prononça de nouveau contre les Bulgares. L’autocrate, après avoir vaincu Samuel dans une bataille décisive, lui envoya 15,000 prisonniers auxquels il avait fait crever les yeux. Le prince bulgare ne put supporter cet affreux spectacle. Il s’évanouit, et ne reprit ses sens que pour mourir de douleur. Après lui, Gabriel Radomir (1014-1015), à qui quelques historiens donnent, ainsi qu’à Joan Vladislas, à Doljan et à Petar Bodin, le titre de roi, lutta en vain contre l’empereur. La Bulgarie fut soumise (1021); mais le sentiment national ne cessa de protester contre la domination byzantine.

Que d’éloquentes tirades n’a-t-on pas faites sur l’esprit sophistique des Grecs, toujours pressés de pervertir la simplicité du christianisme par de vaines hérésies! Il paraît qu’en cela les Hellènes ressemblent un peu aux autres nations. En examinant les faits avec quelque attention, l’on ne tarde pas à s’apercevoir que les peuples les moins portés à se préoccuper des questions philosophiques n’échappent nullement au désir de résoudre à leur façon le problème de la destinée humaine. Les Bulgares eux-mêmes, qu’on n’accusera pas d’avoir troublé leur intelligence par le goût des études abstraites, ont poussé si loin le besoin d’innover en matière de religion, que leur nom était devenu au moyen âge le synonyme d’un radicalisme religieux qui sapait les bases de la morale chrétienne en même temps que celles du dogme. L’imagination épouvantée des Occidentaux alla jusqu’à leur attribuer le projet de ressusciter les vices les plus odieux reprochés par les pères de l’église au paganisme vaincu. Tout en faisant la part de l’esprit de dénigrement acharné qu’on porte d’ordinaire dans ces questions, on doit reconnaître que les Bulgares ont joué un des premiers rôles dans le drame théologique du moyen âge, qu’ils ne restèrent pas longtemps fidèles à l’orthodoxie grecque, qu’ils ne tardèrent pas à se montrer favorables à des doctrines incompatibles avec l’essence même des enseignemens évangéliques. Ces doctrines, pénétrant en Italie et en Provence, exposèrent l’église romaine à de tels dangers qu’elle commença de recourir à ce système d’exécutions impitoyables dont les avantages sont passagers et les inconvéniens incalculables.

C’est de Perse que vinrent les doctrines dualistes dont les Bulgares se firent les promoteurs et qu’ils répandirent aux XIIe et XIIIe siècles en Occident. Parmi les nations aryennes, les Perses avaient été une de celles où le christianisme fut accueilli avec le