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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 76.djvu/418

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Leeuwenhoek de se rendre auprès de lui dans un des bateaux de charge qui le suivaient et d’apporter ses incomparables microscopes, et lui fit dire qu’il serait allé le voir lui-même en passant par Delft, s’il n’avait pas été contraint de se dérober à la foule qui l’importunait. Leeuwenhoek, étant arrivé auprès de sa majesté tsarienne, eut l’honneur de lui faire voir, entre autres singularités, la circulation du sang dans la queue d’une anguille. Cette curieuse observation et plusieurs autres qu’il lui fit faire avec ses microscopes plurent tellement au tsar qu’il y employa plus de deux heures, et qu’en le congédiant il lui serra la main pour lui marquer sa reconnaissance. » Pierre Ier aimait à s’instruire en toutes choses. Saint-Simon nous apprend que pendant son séjour à Paris en 1717 « il fut voir l’Observatoire, les manufactures des Gobelins et le Jardin du Roi des simples. » Leeuwenhoek reçut la visite du roi de Prusse Frédéric Ier du roi de Pologne Auguste, du duc de Wurtemberg, qui lui fit présent de son portrait, un beau médaillon d’argent, de l’électeur palatin, qui vint avec sa femme et une nombreuse suite, du landgrave de Hesse-Cassel et de plusieurs membres de sa famille, d’une infinité d’autres personnages. Le landgrave avait offert au célèbre observateur une belle coupe d’argent ciselée et dorée à l’intérieur, et le duc de Brunswick deux médailles à son effigie, en souvenir de leur visite. On ne songeait pas encore aux décorations. Les professeurs de l’université de Louvain voulurent également témoigner leur estime au micrographe de Delft en lui décernant une médaille frappée à sa propre effigie. Leeuwenhoek avait entretenu des correspondances avec beaucoup d’hommes illustres. Leibniz lui ayant exprimé sa surprise de voir que ses magnifiques travaux ne lui aient procuré aucun avantage matériel, il lui répondit par ces paroles significatives : « Vous voudriez que mes travaux fussent rémunérés, mais dans notre pays on ne rémunère pour leur science que les professeurs, ceux qui répandent la parole divine, ceux qui, familiarisés avec le latin, instruisent la jeunesse dans cette langue. Le grand contemplateur des cieux, Christian Huygens, m’a raconté que dans une autre province une somme de 2,000 florins fut attribuée à un auteur pour la confection de tables astronomiques. Huygens en parlait avec tristesse, parce que cette sorte de rémunération blessait la dignité de gens honorables. « Quant à lui, il trouve qu’il a été suffisamment honoré par les présens de quelques souverains.

Apres une vie exempte de toute agitation, Leeuwenhoek mourut le 26 août 1723, à l’âge de près de quatre-vingt-onze ans. Ses observations lui avaient procuré d’heureux instans. L’intérêt qu’elles avaient si généralement inspiré aux hommes les plus distingués de son temps, l’immense renommée qu’elles lui avaient conquise, fu-