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grossis par une civilisation primitive que l’on ne peut contester aux Abyssins. Ceux-ci, sans s’être isolés du reste du monde, ont eu le talent de conserver leur autonomie, ce qu’il faut attribuer surtout à la configuration accidentée de leur terre natale. Rustiques, laborieux et guerriers, ils ne sont jamais tombés sous le joug étranger, si ce n’est sur la côte. La plus ancienne légende où il soit question d’eux est celle de la reine de Saba, qui vint à Jérusalem attirée par la réputation du roi Salomon, et en eut un fils, Menilek, dont les descendans régnèrent longtemps sur le Tigré. Il y avait là un royaume puissant et civilisé dont Axoum était la capitale. Les Grecs d’Alexandrie eurent de fréquens rapports avec les Axoumites. C’est de l’Égypte que leur vint la religion chrétienne. Frumence fut au IVe siècle l’apôtre de ces montagnes ; mais les Éthiopiens sont des schismatiques de la secte d’Eutychès, comme les Coptes. Leur chef spirituel est un évêque (abouna) qui est institué par le patriarche d’Alexandrie. Au IXe siècle, les arabes musulmans, dans la ferveur de leurs premières conquêtes, n’eurent qu’à traverser la Mer-Rouge pour entrer en Abyssinie. S’ils ne pénétrèrent pas dans les provinces du centre, au moins créèrent-ils sur le littoral, à Zullah, l’ancienne Adulis, un royaume qui eut un temps de prospérité ; puis l’intérieur de cette contrée montagneuse fut fermé pendant des siècles aux investigations européennes. On raconte que la dynastie de Menilek occupait toujours le trône, tantôt maîtresse de l’Abyssinie entière, tantôt réduite aux limites d’une seule province. Sur la fin du XVe siècle, des missionnaires portugais arrivent à la cour des rois d’Éthiopie. Cent cinquante ans plus tard on les expulse violemment, le pays est de nouveau interdit aux Européens jusqu’à l’époque où un voyageur écossais, Bruce, parcourut cette contrée de 1769 à 1771, et revint en raconter des merveilles. Depuis ce temps jusqu’à nos jours, de nombreux et savans explorateurs se succédèrent sur ce terrain ; les Allemands Rüppell et Krapf, les Anglais Salt, William Harris et Beke, et surtout des Français, Rochet d’Héricourt, Théophile Lefebvre, Ferret et Galinier, les frères d’Abbaddie, ont parcouru l’Éthiopie et l’ont étudiée sur toutes les faces. Ces diverses expéditions scientifiques, dont la France peut réclamer la part principale, nous amènent jusqu’en l’année 1848. C’est à ce moment que remonte l’origine des relations diplomatiques entre l’Angleterre et les negus d’Abyssinie, relations qui viennent de se dénouer d’une façon brutale, par la guerre. On est trop enclin à croire en effet que l’immixtion des Anglais dans les affaires intérieures de ce royaume est de date récente. Les documens publiés par ordre du parlement britannique à l’occasion des derniers événemens font voir au contraire que des explorateurs de cette nation,